Philippe Briola
Fabuliste contemporain – David et Goliath
Sur les bords d’un étang, posté dans les roseaux
Un brochet chassait à l’affût.
Tout le menu fretin haïssait ce fléau
Qui ne semblait jamais repu.
A quoi bon résister, quand on est sans défense ?
Le nombre ne compte pour rien.
Quand survient le danger et devant son urgence,
Il faut user d’autres moyens.
Instruit dès le berceau par une carpe grecque,
De l’exemple du grand Ulysse,
Un carpillon subtil, sans souci de l’échec,
Usa comme lui d’artifices.
Il avait remarqué un pêcheur acharné,
Un inlassable tortionnaire,
Qui vouait aux poissons un culte forcené,
Une religion sanguinaire.
L’homme pêchait au vif, triste façon de faire,
Mais les hommes sont sans pitié
Et l’appât mutilé que traversait le fer
Était déjà mort à moitié.
Comme un autre David, provoquant Goliath
Pour attirer notre brochet
L’audacieux s’agita tout comme un automate
Au dos du petit écorché.
Le monstre du marais se rua sans soupçon
Sur le pantin qui le narguait
Il ne prit que l’appât, avala l’hameçon
S’y embrocha et fut pêché.
Acceptez que je fasse une fois une entorse
A l’ennui des moralités,
Plutôt que d’opposer à la force la force
Plus sûrement, il faut ruser.
Philippe Briola