Une écrevisse faisait des leçons à l’une de ses petites, pour lui apprendre à bien marcher ; elle lui reprochait qu’elle allait toujours de travers, et qu’elle ne faisait aucun pas sans se détourner à droite ou à gauche. La jeune Écrevisse ne fut pas fort touchée des remontrances de sa mère.
Pour toute réponse elle lui dit : ” Ma mère, marchez devant moi, et je vous suivrai. “.
Autre version
« Ne marche pas de travers, disait une écrevisse à sa fille, et ne frotte pas tes flancs contre le roc humide. — Mère, répliqua-t-elle, toi qui veux m’instruire, marche droit; je te regarderai et t’imiterai. »
Quand on reprend les autres, il convient qu’on vive et marche droit, avant d’en faire leçon.
- Esope – VIIe-VIe siècle av. J.-C
Cancer et Mater
Curva retro cedens dum fert vestigia cancer,
Hispida saxosis terra relisit aquis.
Hunc genetrix facili cupiens procedere gressu
Talibus alloquiis emonuisse datur:
Ne tibi transverso placeant haec devia, nate,
Rursus in obliquos neu velis ire pedes,
Sed nisu contenta ferens vestigia recto
Innocuos prono tramite siste gradus.
Cui natus: faciam, si me praecesseris, inquit,
Rectaque monstrantem certior ipse sequar.
Nam stultum nimis est, cum tu pravissima temptes
Alterius censor si vitiosa notas.
L’Écrevisse et sa mère
Marchant à reculons, une écrevisse allait en décrivant des courbes et elle blessa son dos hérissé de pointes contre un rocher caché sous les eaux. Sa mère qui désirait la voir marcher d’une allure aisée, la reprit, dit-on, à peu près en ces termes : « Puisque tu vas tout de travers, ma fille, évite ces détours; ne t’amuse plus à avancer avec une démarche oblique; mais contente-toi de porter tes pas tout droit devant toi et suis une route toute droite où l’on ne se blesse pas. » — « Je le ferai, lui dit sa fille, si tu veux bien marcher devant moi. Si tu me montres la route droite, dès que tu me l’auras apprise, moi aussi je la suivrai. Il est en effet par trop sot, quand on ne s’abstient pas soi-même des pires fautes, de blâmer comme un censeur les défauts d’autrui.
- Avianus – IVe. et VIe. siècle
L’ Ecrevisse et sa Fille
Les sages quelquefois, ainsi que l’écrevisse ,
Marchent à reculons, tournent le dos au port.
C’est l’art des matelots : c’est aussi l’artifice
De ceux qui, pour couvrir quelque puissant effort,
Envisagent un point directement contraire,
Et font vers ce lieu-là courir leur adversaire.
Mon sujet est petit, cet accessoire est grand :
Je pourrais l’appliquer à certain conquérant
Qui tout seul déconcerte une ligue à cent têtes.
Ce qu’il n’entreprend pas, et ce qu’il entreprend,
N’est d’abord qu’un secret, puis devient des conquêtes.
En vain l’on a les yeux sur ce qu’il veut cacher,
Ce sont arrêts du sort qu’on ne peut empêcher :
Le torrent à la fin devient insurmontable.
Cent dieux sont impuissants contre un seul Jupiter.
Louis et le destin me semblent de concert
Entraîner l’univers. Venons à notre fable.
Mère écrevisse un jour à sa fille disait :
« Comme tu vas, bon Dieu ! ne peux-tu marcher droit ?
– Et comme vous allez, vous même, dit la fille.
Puis-je autrement marcher que ne fait ma famille ?
Veut-on que j’aille droit quand on y va tortu ? »
Elle avait raison ; la vertu
De tout exemple domestique)
Est universelle, et s’applique
En bien, en mal, en tout ; fait des sages, des sots :
Beaucoup plus de ceux-ci. Quant à tourner le dos
A son but, j’y reviens ; la méthode en est bonne,
Surtout au métier de Bellone :
Mais il faut le faire à propos.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
L’Ecrevisse et sa Fille
Ma fille, marchez droit, disait mère Ecrevisse
A sa petite encor novice ;
A chaque pas vous faîtes un écart
Comme dame la Crabe ou monsieur le Homard.
— Mais, maman , répondit la fille,
C’est l’allure de la famille;
Votre exemple nous le suivons :
N’allez-vous pas à reculons?
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845