De Duobus sociis et Ursa
IMontibus ignotis curvisque in vallibus artum
Cum socio quidam suscipiebat iter,
Securus, cum quodque malum Fortuna tulisset,
Robore collato posset uterque pati.
Dumque per inceptum vario sermone feruntur,
In mediam praeceps convenit ursa viam.
Horum alter facili comprendens robora cursu,
In viridi trepidum fronde pependit onus.
Ille trahens nullo iacuit vestigia gressu,
Exanimem fingens, sponte relisus humi.
Continuo praedam cupiens fera saeva cucurrit,
Et miserum curvis unguibus ante levat;
Verum ubi concreto riguerunt membra timore
Nam solitus mentis liquerat ossa calor,
Tunc olidum credens, quamvis ieiuna, cadaver
Deserit et lustris conditur ursa suis.
Sed cum securi paulatim in verba redissent,
Liberior iusto qui fuit ante fugax:
Dic, sodes, quidnam trepido tibi rettulit ursa?
Nam secreta diu multaque verba dedit
Magna quidem monuit, tamen haec quoque maxima iussit,
Quae merito semper sunt facienda mihi:
Ne facile alterius repetas consortia, dixit,
Rursus ab insana ne capiare fera.
Les deux voyageurs
Dans des montagnes inconnues et des vallées tortueuses, par des sentiers étroits, deux voyageurs se mettaient en route en comptant bien l’un et l’autre qu’à tous les dangers que le sort leur enverrait, ils pourraient faire face en unissant leurs forces. Tandis qu’ils avançaient en s’entretenant de choses et d’autres, tout à coup au milieu du chemin vient à leur rencontre une ourse. L’un d’eux, d’un saut agile, monta sur un chêne et tout tremblant s’y tint suspendu dans le feuillage vert. L’autre, sans faire un pas en arrière, se laissa tomber et resta couché contre terre en faisant le mort. Aussitôt, pour en faire sa proie, l’animal féroce court sur le malheureux et d’abord le soulève avec ses ongles crochus. Mais, figés par la peur, les membres du voyageur se raidissent, car la chaleur vitale avait abandonné son corps. Alors, le prenant pour un cadavre qui sent déjà mauvais, l’ourse, quoique affamée, le laisse là et va se cacher dans sa caverne. Mais, quand les voyageurs, peu à peu rassurés, reprirent leur entretien, avec plus d’aisance qu’il n’aurait dû, celui qui tout à l’heure s’était enfui dit à l’autre : « Dis-moi donc, je te prie, qu’est-ce que t’a raconté l’ourse, pendant que tu tremblais de peur? car elle t’a parlé longtemps et t’a dit bien des choses intimes. » — « Oui, il m’a donné des avis importants; il m’a surtout recommandé ce que dans le malheur je devrai toujours faire. Ne sois plus trop facile, m’a-t-il dit, dans le choix d’un associé, pour n’être pas pris encore une fois par une bête furieuse.