Un Geai plein de vanité se para avec des plumes de Paon qu’il avait ramassées. Cet ornement emprunté lui causa tant d’orgueil, qu’il en conçut du mépris pour les autres Geais. Il les quitta et se mêla fièrement parmi une troupe de Paons, qui reconnaissant sa supercherie, le dépouillèrent sur-le-champ de ses plumes postiches. Cet animal tout honteux après cette disgrâce, voulut retourner avec les Geais ; mais ils le rebutèrent violemment, et lui donnèrent tant de coups de bec, qu’ils lui arrachèrent toutes ses plumes empruntées ; de sorte qu’il se vit méprisé des autres Oiseaux, et même de ceux de son espèce.
” Le Choucas et les Oiseaux “ – Zeus, voulant instituer un roi des oiseaux, leur fixa un jour pour comparaître tous devant lui : il choisirait le plus beau de tous pour régner sur eux. Les oiseaux se rendirent au bord d’une rivière pour s’y laver. Or le choucas, qui se rendait compte de sa laideur, s’en vint ramasser les plumes que les oiseaux laissaient tomber, puis il se les ajusta et se les attacha. Il arriva ainsi qu’il fut le plus beau de tous. Or le jour fixé arriva et tous les oiseaux se rendirent chez Zeus. Le choucas, avec sa parure bigarrée, se présenta lui aussi. Et Zeus allait lui donner son suffrage pour la royauté, à cause de sa beauté; mais les oiseaux indignés lui arrachèrent chacun la plume qui venait d’eux. Il en résulta que le choucas dépouillé se retrouva choucas.
Il en est ainsi des hommes qui ont des dettes : tant qu’ils sont en possession du bien d’autrui, ils paraissent être des personnages; mais quand ils ont rendu ce qu’ils doivent, on les retrouve tels qu’ils étaient auparavant.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Graculus superbus et Pavo
Ne gloriari libeat alienis bonis,
Suoque potius habitu vitam degere,
Æsopus nobis hoc exemplum prodidit.
Tumens inani graculus superbia
Pinnas, pavoni quæ deciderant, sustulit,
Seque exornavit: deinde, contemnens
Formoso se Pavonum immiscuit gregi
Illi impudenti pinnas eripiunt avi,
Fugantque rostris. Male mulciatus graculus
Redire mœrens cœpit ad proprium genus,
A quo repulsus tristem sustinuit notam.
Tum quidam ex illis quos prius despexerat
Contentus nostris si fuisses sedibus
Et quod natura dederat voluisses pati,
Nec illam expertus esses contumeliam
Nec hanc repulsam tua sentiret calamitas.
- Phedre – (14 av. J.-C. – vers 50 ap. J.-C.)
Le geai orgueilleux et le Paon
Ne vous glorifiez pas des avantages d’autrui, mais vivez plutôt content de votre état, d’après cet exemple qu’Esope nous a laissé.
Enflé d’un vain orgueil, un Geai ramassa les plumes d’un Paon, et s’en fit une parure; puis, méprisant ses pareils, il va se mêler à une troupe de superbes Paons mais ils arrachent le plumage à l’oiseau imprudent, et le chassent à coups de bec. Tout maltraité, le Geai revenait tout confus vers les oiseaux de son espèce : repoussé par eux, il eut encore à supporter cette honte. Un de ceux qu’il avait autrefois regardés avec mépris, lui dit alors: « Si tu avais su vivre parmi nous, et te contenter de ce que t’avait donné la nature, tu n’aurais pas d’abord essuyé un affront, et, dans ton malheur, tu ne te verrais point chassé par nous. »
- Fable de Phedre traduite par Ernest Panckoucke (1808 – 1886)
Le Geai paré des plumes du Paon
Un paon muait: un geai prit son plumage;
Puis après se l’accommoda;
Puis parmi d’autres paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.
Quelqu’un le reconnut: il se vit bafoué,
Berné, sifflé, moqué, joué,
Et par messieurs les paons plumé d’étrange sorte;
Même vers ses pareils s’étant réfugié,
Il fut par eux mis à la porte.
Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,
Et que l’on nomme plagiaires.
Je m’en tais, et ne veux leur causer nul ennui:
Ce ne sont pas là mes affaires.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Les paons et le geai
Le Geai s’étant paré un jour des plumes de plusieurs Paons, voulait faire comparaison avec eux ; chacun reprit ses plumes, et le Geai ainsi dépossédé, leur servit de risée.
Qui n’est pas né pour la galanterie,
Et n’a qu’un bel air emprunté,
Doit s’attendre à la raillerie,
Et que des vrais galants il sera bafoué.
- Charles Perrault – 1628 – 1703