“Du Lion allant à la chasse avec d’autres bêtes” – Un Lion, un Âne et un Renard étant allés de compagnie à la chasse, prirent un Cerf et plusieurs autres bêtes. Le Lion ordonna à l’Âne de partager le butin ; il fit les parts entièrement égales, et laissa aux autres la liberté de choisir. Le Lion indigné de cette égalité, se jeta sur l’Âne et le mit en pièces. Ensuite il s’adressa au Renard, et lui dit de faire un autre partage ; mais le Renard mit tout d’un côté, ne se réservant qu’une très petite portion. ” Qui vous a appris, lui demanda le Lion, à faire un partage avec tant de sagesse ? − C’est la funeste aventure de l’Âne, lui répondit le Renard. “
Autre version
” Le Lion, l’Ane et le Renard “ – Le lion, l’âne et le renard, ayant lié société ensemble, partirent pour la chasse. Quand ils eurent pris du gibier en abondance, le lion enjoignit à l’âne de le partager entre eux. L’âne fit trois parts égales et dit au lion de choisir. Le lion indigné bondit sur lui et le dévora. Puis il enjoignit au renard de faire le partage. Celui-ci entassa tout sur un seul lot, ne se réservant que quelques bribes; après quoi il pria le lion de choisir. Celui-ci lui demanda qui lui avait appris à partager ainsi : « Le malheur de l’âne », répliqua t-il.
Cette fable montre qu’on s’instruit en voyant le malheur de son prochain.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Vacca et Capella, Ovis et Leo
Numquam est fidelis cum potente societas.
Testatur hæc fabella propositum meum.
Vacca et Capella et patiens Ovis injuriæ
Socii fuere cum Leone in saltibus.
Hi cum cepissent cervum vasti corporis,
Sic est locutus partibus factis Leo:
Ego primam tollo nominor quia Leo;
Secundam, quia sum fortis, tribuetis mihi;
Tum, quia plus valeo, me sequetur tertia;
Malo adficietur si quis quartam tetigerit.
Sic totam prædam sola improbitas abstulit.
- Phedre – (14 av. J.-C. – vers 50 ap. J.-C.)
La Genisse, la Chèvre, la Brebis et le Lion
S’associer avec un puissant n’est jamais sûr; cette fable va prouver ce que j’avance.
La Génisse, la Chèvre et la patiente Brebis firent dans les bois société avec le Lion. Ils prirent un cerf d’une grosseur prodigieuse; les parts faites, le Lion parla ainsi : « Je prends la première; parce que je m’appelle Lion; la seconde, vous me la céderez, parce que je suis vaillant; la troisième m’appartient, parce que je suis le plus fort; quant à la quatrième, malheur à qui la touche! » C’est ainsi que, par sa mauvaise foi, il resta seul maître du butin.
- Fable de Phedre traduite par Ernest Panckoucke (1808 – 1886)
Dou Lion qui a la chacier od la Chièvre et la Brebis
Une autre foiz ot li Léuns
El bois od lui plus cumpaignuns ;
La Chièvre et la Berbiz i fu.
Un Cers unt pris è retenu,
En quatre partz , voelent partir ;
Le Lion dist : je voil chosir.
La gregnur pars deit estre meie
Car jeo sui Rois, la Cort l’otreie.
(1) L’autre r’aurai car g’i corrui,
E la tierce car plus forz sui ;
La quarte ai-jeo si devisée
Que nus ne l’aura sanz mellée
Cil cumpaignun quant il l’oïrent
Tut li laissent, si s’enfoïrent.
Moralité:
Ensi est-il n’en dutez mie;
Mult s’entremet de grant folie
Q’à plus fort de lui s’acumpaigne ;
Ni puet faire pas grant gaaigne.
- Marie de France – (1160 – 1210)
La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion
La Génisse, la Chèvre, et leur soeur la Brebis,
Avec un fier Lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la Chèvre un Cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le Lion par ses ongles compta*,
Et dit : “Nous sommes quatre à partager la proie. ”
Puis en autant de parts le Cerf il dépeça ;
Prit pour lui la première en qualité de Sire :
“Elle doit être à moi, dit-il ; et la raison,
C’est que je m’appelle Lion :
A cela l’on n’a rien à dire.
La seconde, par droit, me doit échoir encor :
Ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu’une de vous touche à la quatrième,
Je l’étranglerai tout d’abord. ”
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Le Lion , L’Ane & le Renard
Le Lion avoir fait une chasse en commun :
L’Ane fut invité de faire ile partage ;
Il le fit comme un Ane, en donnant à chacun
Egale part. Le Roi tient qu’ on lui fait outrage,
Et vous étrangle net le sot faiseur de lots.
Le Renard fut chargé du partage à sa place :
Il mit tout d’un côté , de l’autre quelques os,
Le contingent du peuple , & sa part de la chasse.
Le Renard fit sa cour, il en savoit les loix.
Maints Renards à deux pieds forment le lot des Rois
Des trésors d’un royaume & du droit de rien faire ,
En laissant aux sujets leur peine & la misere.
- Lejeune (Fables nouvelles 1765)
La Chasse au Lion
On chassait en commun. Au retour de la chasse ,
Lion aux animaux dit : Messieurs , sans façon,
Que chacun prenne ici sa part de venaison ;
Avec justice il faut que tout se fasse ;
Faites les parts, Messire Aliboron.
Alors l’expert à longue oreille
Forme des lots égaux, et croit faire merveille ;
Mais comme un sot il opéra :
Egalité dans le partage
Au lion fut un oui rage.
Le prince en rugissant sur l’âne se jeter
L’étrangla,
Puis pour arbitre désigna
Un renard, fin matois connaissant bien son monde,
Adroit jurisconsulte et cervelle profonde ;
De chaque prétendant il discuta les droits,
Cita la coutume, les lois ,
Prouva que des sujets n’avaient rien à prétendre ,
Parla du grand Cyrus, de César, d’Alexandre,
Et conclut qu’ici-bas tout appartient aux rois.
Les animaux n’osèrent contredire ;
Chacun fuit, harassé, rendu, mourant de faim.
Sire, dit le renard , l’honneur doit leur suffire ;
Ils ont courru le cerf avec leur souverain.
Le lion eut le tout. En prince il fit bombance,
Et le rusé renard y trouva sa pitance.
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845
— Ésope, fab. 38
— Babrius, fab. 67,
— Phèdre, Iivre I, fable 5, Vacca et Capella, Ovis et Leo.
— Abstemius, fab. 187, de Leone partent praedae a Lupo petente.
— Romulus, livre I, fab. 6, Facca et Capella, Ovis et Léo.
— Roman du Renart , édition Méon, tome I.
— Marie de France, fab. II, don Lion, dou Bugle et de un Leu; et fab. 12, dun Lion qui ala chacier od la Chieure et la Brebis.
— Haudent, I, fab. 116, d’un Lyon et quelques aultres Bestes; fab. 173, d’un Lyon, d’un Asne et d’un Regnard.
— Corrozet, fab. 5, du Lyon, de la Brebis, et autres Bestes; fab. 64, du Lyon, de l’Asne et du Renard.
— Le Noble, fable 12, du Lion et des autres Animaux. La puissance tyrannique.
— Mythologia asopica Neveleti, p. 120…
— Manuscrits de Conrart (tome XI, p. 536), et Manuscrit de Sainte-Geneviève.