“Du Lion, du Loup et du Renard” – Un Lion devenu vieux était malade et restait couché dans son antre. Pour visiter le Roi, tous les Animaux étaient venus, sauf le Renard. Le Loup, saisissant l’occasion, accusait le Renard auprès du Lion, disant qu’il ne faisait aucun cas de leur Maître à tous et ne venait même pas le visiter. Au même moment le Renard arriva et il entendit les derniers mots du Loup. Le Lion rugit contre lui, mais l’autre ayant demandé à se justifier : ” Et qui donc, dit-il, de tous ceux qui sont ici t’a été utile autant que moi ? Je suis allé partout, j’ai demandé à un Médecin un remède pour toi et je l’ai obtenu. ” Le Lion aussitôt lui ordonna de révéler ce remède. Alors le Renard dit : ” C’est d’écorcher vif un Loup et de revêtir sa peau chaude encore. ” Et le Loup aussitôt fut étendu mort. Alors le Renard dit en riant : ” Voilà comme il faut exciter le Maître à des sentiments non de malveillance, mais de bonté. ” Cette fable montre que quiconque trouve contre un autre de perfides desseins prépare un piège contre lui-même.
Autre version
” Le Lion, le Loup et le Renard “ – Le lion devenu vieux était couché, malade, dans son antre, et tous les animaux étaient venus rendre visite à leur prince, à l’exception du renard. Alors le loup, saisissant l’occasion favorable, accusa le renard par-devant le lion : « il n’avait, disait-il, aucun égard pour celui qui était leur maître à tous, et c’est pour cela qu’il n’était même pas venu le visiter. » Sur ces entrefaites le renard arrivait lui aussi, et il entendit les dernières paroles du loup. Alors le lion poussa un rugissement contre le renard. Mais celui-ci, ayant demandé un moment pour se justifier : « Et qui, dit-il, parmi tous ceux qui sont ici réunis, t’a rendu un aussi grand service que moi, qui suis allé partout demander aux médecins un remède pour te guérir, et qui l’ai trouvé ? » Le lion lui enjoignit de dire aussitôt quel était ce remède. Le renard répondit : « C’est d’écorcher vif un loup, et de te revêtir de sa peau toute chaude. » Le loup fut incontinent mis à mort, et le renard dit en riant : « Il ne faut pas exciter le maître à la malveillance, mais à la douceur. »
Cette fable montre qu’en dressant des embûches à un autre on se tend un piège à soi-même.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Un lion décrépit, goutteux, n’en pouvant plus,
Voulait que l’on trouvât remède à la vieillesse.
Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce
Manda des médecins; il en est de tous arts.
Médecins au lion viennent de toutes parts;
De tous côtés lui vient des donneurs de recettes.
Dans les visites qui sont faites,
Le renard se dispense et se tient clos et coi.
Le loup en fait sa cour, daubeau coucher du roi,
Son camarade absent. Le prince tout à l’heure
Veut qu’on aille enfumerrenard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté;
Et sachant que le loup lui faisait cette affaire:
«Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère
Ne m’ait à mépris imputé
D’avoir différé cet hommage;
Mais j’étais en pèlerinage
Et m’acquittais d’un voeu fait pour votre santé.
Même j’ai vu dans mon voyage
Gens experts et savants, je leur ai dit la langueur
Dont Votre Majesté craint, à bon droit la suite.
Vous ne manquez que de chaleur;
Le long âge en vous l’a détruite.
D’un loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante;
Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire loup vous servira,
S’il vous plaît, de robe de chambre.»
Le roi goûte cet avis-là.
On écorche, on taille, on démembre
Messire loup. Le monarque en soupa,
Et de sa peau s’enveloppa.
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire;
Faites si vous pouvez votre cour sans vous nuire.
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière:
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)