Un Lion fatigué de la chaleur, et abattu de lassitude, dormait à l’ombre d’un arbre. Une troupe de Rats passa par le lieu où le Lion reposait ; ils lui montèrent sur le corps pour se divertir. Le Lion se réveilla, étendit la patte, et se saisit d’un Rat, qui se voyant pris sans espérance d’échapper, se mit à demander pardon au Lion de son incivilité et de son audace, lui représentant qu’il n’était pas digne de sa colère. Le Lion touché de cette humble remontrance, lâcha son prisonnier, croyant que c’eût été une action indigne de son courage de tuer un animal si méprisable et si peu en état de se défendre. Il arriva que le Lion courant par la forêt, tomba dans les filets des chasseurs ; il se mit à rugir de toute sa force, mais il lui fut impossible de se débarrasser. Le Rat reconnut aux rugissements du Lion qu’il était pris. Il accourut pour le secourir, en reconnaissance de ce qu’il lui avait sauvé la vie. En effet, il se mit à ronger les filets, et donna moyen au Lion de se développer et de se sauver.
Autre version
” Le Lion et le Rat reconnaissant ” – Un lion dormait ; un rat s’en vint trottiner sur son corps. Le lion, se réveillant, le saisit, et il allait le manger, quand le rat le pria de le relâcher, promettant, s’il lui laissait la vie, de le payer de retour. Le lion se mit à rire et le laissa aller. Or n’arriva que peu de temps après il dut son salut à la reconnaissance du rat. Des chasseurs en effet le prirent et l’attachèrent à un arbre avec une corde. Alors le rat l’entendant gémir accourut, rongea la corde et le délivra. « Naguère, dit-il, tu t’es moqué de moi, parce que tu n’attendais pas de retour de ma part ; sache maintenant que chez les rats aussi on trouve de la reconnaissance. »
Cette fable montre que dans les changements de fortune les gens les plus puissants ont besoin des faibles.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Lion et le Rat
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Le Lion et le Rat
AIR ; C’est la mère Michel qu’a perdu ton chat.
Ou air . Fichon-nous de ça, tra la la .
Obliger tout le monde est fort bon, croyez-moi,
On peut avoir besoin de plus petit que soi.
A plus d’un égoïste, atteint de cécité,
Par un exempl’, je veux prouver c’te vérité,
Sur l’air du tra la la la, (bis.)
Sur l’air du tra déri, déra, tra la la.
Un peu plus, un peu moins, nous sommes tous étourneaux,
Hormis le grand Chicard jouant aux dominos ;
Un jour, à l’étourdie, un rat sortit du sol,
Dans les pattes d’un lion en fredonnant en sol.
Sur l’air du tra, etc.
A moins d’être Carter, qui n’eût alors tremblé?
Le pantalon du rat de peur était mouillé,
Et le pauvre animal, d’épouvante transi,
Ne chantait plus en sol, mais soupirait en si,
Sur l’air du tra; etc.
Le roi des animaux, en digne potentat,
Se montra généreux, et dit au petit rat .
« Tu pratiques la gamme, et j’aime fort cela,
« Je pourrais te croquer, hé bien! restons en la,
Sur l’air du tra, etc.
Or, à la liberté l’avorton fut rendu:
Mais, nous dit-on, jamais un bienfait n’est perdu.
Pourtant le carnassier aurait pu spéculer
Sur un petit rongeur?… bien qu’il sut roucouler,
Sur l’air du tra, etc.
Il advint que ce lion, au sortir des forêts,
S’embarlificota dans de perfides rets;
Pour rompre les cordeaux, vainement il agit.
En Lablache des bois, vainement il rugit.
Sur l’air du tra, etc.
Notre rat mélomane aussitôt accourut,
Et son ami le lion, par ses dents, secourut.
Témoignage nouveau, facile à constater,
Qu’il est bon de savoir grignoter et chanter,
Sur l’air du tra, etc.
Moralité.
Pour apprendr’ l’obligeance, allez à l’Opéra :
Là, s’entraidant l’un l’autre, on peut voir Lion et Rat.
Le rat est, de bijoux, couvert par la fashion;
Puis, après le spectacle, il rend service au lion,
Sur L’air de tra la la la (bis.)
Sur l’air du tra déri, déra, tra la la.
- Edmond Gaconde