Le Lion affaibli par la vieillesse, ne pouvait plus prendre les autres animaux à la course. Il résolut de se servir d’artifice pour les surprendre et pour en faire curée. Il se retira dans le fond de sa caverne pour mieux exécuter ce dessein, et fit savoir partout qu’il était malade. Les autres animaux accoururent pour le visiter, mais il les étranglait et les dévorait à mesure qu’ils entraient dans sa caverne. Le Renard se douta de la ruse du Lion, et du mauvais tour qu’il avait joué à ceux qui étaient venus le visiter. Il se contenta donc de demander de loin au Lion, et sans entrer dans sa caverne, comment il se portait. ” Je me porte fort mal, dit le Lion ; pourquoi n’entrez-vous pas, ajouta-t-il ? – C’est, lui répliqua le Renard, que je vois fort bien les vestiges de ceux qui sont entrés dans cette caverne, mais je n’aperçois point les traces de ceux qui en sont sortis. “
Autre version
Un lion devenu vieux, et dès lors incapable de se procurer de la nourriture par fa force, jugea qu’il fallait le faire par adresse. Il se rendit donc dans une caverne et s’y coucha, contrefaisant le malade; et ainsi, quand les animaux vinrent le visiter, il les saisit et les dévora. Or beaucoup avaient déjà péri, quand le renard, ayant deviné son artifice, se présenta, et s’arrêtant à distance de la caverne, s’informa comment il allait. « Mal », dit le lion, qui lui demanda pourquoi il n’entrait pas. « Moi, dit le renard, je serais entré, si je ne voyais beaucoup de traces d’animaux qui entrent, mais d’animal qui sorte, aucune. »
Ainsi les hommes judicieux prévoient à certains indices les dangers, et les évitent.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Lion malade et le Renard
De par le Roi des Animaux,
Qui dans son antre était malade,
Fut fait savoir à ses vassaux
Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter,
Sous promesse de bien traiter
Les Députés, eux et leur suite,
Foi de Lion très bien écrite.
Bon passe-port contre la dent ;
Contre la griffe tout autant.
L’Edit du Prince s’exécute.
De chaque espèce on lui députe.
Les Renards gardant la maison,
Un d’eux en dit cette raison :
Les pas empreints sur la poussière
Par ceux qui s’en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière ;
Pas un ne marque de retour.
Cela nous met en méfiance.
Que Sa Majesté nous dispense.
Grand merci de son passe-port.
Je le crois bon ; mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l’on entre,
Et ne vois pas comme on en sort.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)