Le Loup et le Renard plaidaient l’un contre l’autre par-devant le Singe. Le premier accusait l’autre de lui avoir dérobé quelques provisions, celui-ci niait le fait. Le Singe, qui connaissait de quoi l’un et l’autre étaient capables, ne savait lequel croire ; ainsi il se trouvait dans un grand embarras. Voici pourtant comme il s’en tira : après bien des contestations de part et d’autre, il imposa silence aux parties, et prononça ainsi : ” Toi, Loup, je te condamne à payer l’amende, parce que tu demandes au Renard ce qu’il ne t’a point pris ; et toi, Renard, tu paieras aussi, parce que tu refuses de rendre au Loup ce que tu lui as dérobé. “
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Lupus et Vulpis, judice simio
Quicumque turpi fraude semel innotuit,
Etiam si verum dicit, amittit fidem.
Hoc adtestatur brevis Æsopi fabula.
Lupus arguebat vulpem furti crimine;
Negabat illa se esse culpæ proximam.
Tunc judex inter illos sedit simius.
Uterque causam cum perorassent suam,
Dixisse fertur simius sententiam:
Tu non videris perdidisse quos petis;
Te credo subripuisse quod pulchre negas.
- Phedre – (14 av. J.-C. – vers 50 ap. J.-C.)
Le Loup et le renard jugés par un Singe
Quiconque s’est fait connaître par de honteux mensonges perd toute créance lors même qu’il dit la vérité. Ésope le prouve dans cette petite fable.
Un Loup accusait un Renard de l’avoir volé; le Renard soutenait qu’il était étranger à une aussi méchante action ; le Singe alors fut appelé pour juger leur querelle. Lorsque chacun eut plaidé sa cause, on rapporte que le Singe prononça cette sentence : « Toi, tu ne me parais pas avoir perdu ce que tu réclames; toi, je te crois coupable du vol que tu nies si bien. »
- Fable de Phedre traduite par Ernest Panckoucke (1808 – 1886)
Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe
Un Loup disait que l’on l’avait volé :
Un Renard, son voisin, d’assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
Devant le Singe il fut plaidé,
Non point par Avocats, mais par chaque Partie.
Thémis n’avait point travaillé,
De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.
Le Magistrat suait en son lit de Justice.
Après qu’on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté,
Le Juge, instruit de leur malice,
Leur dit : “Je vous connais de longtemps, mes amis,
Et tous deux vous paierez l’amende ;
Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ;
Et toi, Renard, as pris ce que l’on te demande. ”
Le juge prétendait qu’à tort et à travers
On ne saurait manquer, condamnant un pervers.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)