“Du Milan et du Rossignol” – Un Milan fort affamé tenait un Rossignol sous ses serres. ” Milan s’écriait celui-ci, donnez-moi la vie, et je vous ferai entendre des chansons capables de vous ravir. Ma voix, vous le savez, enchanterait les dieux mêmes. – J’en doute si peu, répliqua le Milan, que je t’écouterais de grand coeur, si je ne sentais qu’à présent j’ai beaucoup plus besoin de nourriture que de musique. ” Cela dit, il le croque.
Autre version
” Le Rossignol et l’Epervier “ – Un rossignol perché sur un chêne élevé chantait à son ordinaire. Un épervier l’aperçut, et, comme il manquait de nourriture, il fondit sur lui et le lia. Se voyant près de mourir, le rossignol le pria de le laisser aller, alléguant qu’il n’était pas capable de remplir à lui seul le ventre d’un épervier, que celui-ci devait, s’il avait besoin de nourriture, s’attaquer à des oiseaux plus gros. L’épervier répliqua : « Mais je serais stupide, si je lâchais la pâture que je tiens pour courir après ce qui n’est pas encore en vue. »
Cette fable montre que chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans l’espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu’ils ont dans la main.
Ἀηδὼν καὶ ἱέραξ
Ἀηδὼν ἐπί τινος ὑψηλῆς δρυὸς καθημένη κατὰ τὸ σύνηθες ᾖδεν. Ἰέραξ δὲ αὐτὴν θεασάμενος, ὡς ἠπόρει τροφῆς, ἐπιπτὰς συνέλαβεν. Ἡ δὲ μέλλουσα ἀναιρεῖσθαι ἐδέετο αὐτοῦ μεθεῖναι αὐτήν, λέγουσα ὡς οὐχ ἱκανή ἐστιν ἱέρακος αὐτὴ γαστέρα πληρῶσαι: δεῖ δὲ αὐτόν, εἰ τροφῆς ἀπορεῖ, ἐπὶ τὰ μείζονα τῶν ὀρνέων τρέπεσθαι. Καὶ ὅς ὑποτυχὼν εἶπεν: “Ἀλλ’ ἔγωγε ἀπόπληκτος ἂν εἴην, εἰ τὴν ἐν χερσὶν ἑτοίμην βορὰν παρεὶς τὰ μηδέπω φαινόμενα διώκοιμι.”
Οὕτος καὶ τῶν ἀνθρώπων ἀλόγιστοί εἰσιν οἷ δι’ ἐλπίδα μειζόνων [πραγμάτων] τὰ ἐν χερσὶν ὄντα προΐενται.e
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Rossignol et de l’Epervier
Maintenant je raconterai aux rois une fable que leur sagesse même ne dédaignera point. Un épervier venait de saisir un rossignol au gosier sonore et l’emportait à travers les nues ; déchiré par ses serres recourbées, le rossignol gémissait tristement ; mais l’épervier lui dit avec arrogance : “Malheureux ! pourquoi ces plaintes ? Tu es au pouvoir du plus fort ; quoique chanteur harmonieux, tu vas où je te conduis ; je peux à mon gré ou faire de toi mon repas ou te rendre la liberté. Malheur à l’insensé qui ose lutter contre un ennemi plus puissant ! privé de la victoire, il voit encore la souffrance s’ajouter à sa honte.” Ainsi parla l’épervier au vol rapide et aux ailes étendues.
- Esiode, Hêsíodos,Hesiodus – (VIIe siècle av. J.-C.)
Le Milan et le Rossignol
Après que le milan, manifeste voleur,
Eut répandu l’alarme en tout le voisinage,
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un rossignol tomba dans ses mains par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie.
« Aussi bien, que manger en qui n’a que le son ?
Ecoutez plutôt ma chanson :
Je vous raconterai Térée et son envie,
– Qui, Térée ? Est-ce un mets propre pour les milans ?
– Non pas ; c’était un roi dont les feux violents
Me firent ressentir leur ardeur criminelle.
Je m’en vais vous en dire une chanson si belle
Qu’elle vous ravira : mon chant plaît à chacun. »
Le milan alors lui réplique :
« Vraiment, nous voici bien ; lorsque je suis à jeun,
Tu me viens parler de musique.
– J’en parle bien aux rois. – Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles.
Pour un milan, il s’en rira :
Ventre affamé n’a point d’oreilles.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
L’Epervier & le Rossignol
Un Rossignol fur un arbre chantoit,
Bat les chanfons il charmoit la contrée ;
Un Epervier que la faim tourmentoit
Du Musicien voulut faire curée ;
Mais se voyant près du trépas
Le Rossignol lui dit, ne me dévorez pas ,
Un morceau si léger ne peut vous satisfaïre,
Et des oifeaux plus gros feront mieux votre affaire,
Vous ne ferez de moi qu’un fort mince repas.
L’oiseau glouton répond,tandis qu’en ma puissance
Je te vois , je ne puis aller chercher ailleurs;
Un Epervier ne vit point d’espérance,
Les morceaux que l’on tient sont toujours les meilleurs.
- Pierre de Frasnay – (1676 – 1753)