Études sur la fable de La Fontaine “L’Horoscope“, Pierre Louis Solvet,1812.
XVI. L’Horoscope.
V. 1. On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter.
Il en est du lion qui, dans cette Fable, doit être funeste à ce cher fils, tout comme du cruel fuseau dont une jeune et belle princesse fut menacée au temps jadis ; et les précautions dont on se sert ici pour prémunir le jeune homme contre l’accident fatal, ont le même objet et le même succès que dans le conte bleu. Il existe, au reste, on ne sait combien d’histoires de ce genre chez les anciens (1), et dans les vieilles chroniques des temps modernes. Mais qu’il s’en retrouve de notre temps même, de parfaitement analogue a celui raconté dans cette Fable, c’est ce qu’on aura peine à croire ; et le plus singulier de l’aventure, c’est que c’est l’histoire littéraire, la vie d’un poète fameux qui nous le fournit. Voici le fait tel qu’il y est raconté dans les anecdotes anglaises (2) : « Le célèbre Dryden, qui croyoit à l’astrologie judiciaire, avoit calculé avec exactitude la nativité de son fils et il avoit observé avec chagrin qu’il étoit né à une mauvaise heure ; que s’il vivoit assez pour arriver à sa huitième année, il étoit menacé d’un accident fatal, cette année même, le jour de a sa naissance. Forcé de le perdre de vue, précisément ce jour-là, pour accompagner à la chasse le comte de Berkshire, chez qui il étoit allé passer quelques jours à la campagne, comme il enseignoit lui-même le latin à son fils, il lui donna un thème assez long pour l’occuper et l’empêcher de quitter la chambre avant son retour. Le jeune Dryden travailla docile— ment. La chasse, malheureusement, approcha de la maison; la bête fuyoit, les chiens couroient après elle avec un bruit qui mit tout le monde sur pied. Un domestique prit l’enfant dans ses bras, et le conduisit dans la cour pour la lui faire voir. Il le plaça près d’une palissade fort vieille, vers laquelle la bête s’élança ; elle la renversa, et le jeune Dryden fut comme enseveli sous elle…. On l’en retira plus mort que vif…. Il fut languissant, de la peur et des contusions, pendant six semaines, au bout desquelles il finit…. par se bien porter. »
Chamfort n’a jugé cette Fable susceptible d’aucune observation. Nous ferons remarquer, à son défaut, ces deux vers assez mal sonnants :
V. 54- Le pauvre Eschyle ainsi sut ses jours avancer :
78. Que ne l’a-t-il donc dit! mais nul d’eux ne l’a su.
Le premier dur et sifflant à l’excès, le second tout composé de monosyllabes, et bien éloigné de la douceur de ceux du même genre qu’on rencontre quelquefois dans Racine.
(1) A commencer par celle d’Atys, fils de Crésus, racontée par Hérodote, au premier livre de son Histoire, et dont il est vraisemblable que La Fontaine a tiré sa Fable.
(2) Abeille Littéraire, tome 3.