En butte aux traits cruels des autres animaux.
La brebis au ton doux, à l’humble contenance,
Vint prier Jupiter de soulager ses maux ;
Elle éprouva du Dieu toute la bienveillance :
« Créature excellente, oui, je le vois trop bien,
J’aurais dû te donner des armes secourables ;
Désormais je prétends qu’il ne te manque rien.
Choisis, veux-tu des dents, des griffes redoutables?
— Non, je ne veux rien de commun
Avec les animaux qui vivent de rapine,
— Peut-être un noir poison?…— A moi, bonté divine!
Les serpents venimeux sont haïs de chacun.
— De cornes voudrais-tu que j’armasse ta tête,
Tel que le bouc ? — Oh ! non, dit la brebis.
Si j’étais querelleuse ainsi que cette bête !
— Pour te défendre enfin contre tes ennemis,
Il faut être en état de nuire par toi-même,
— Grand Dieu ! dit-elle, en soupirant ;
Je n’implorerai plus ta puissance suprême,
Laisse-moi mon état présent ;
Si je pouvais nuire, ô mon père !
Je craindrais d’en voir naître en mon cœur le désir ;
J’aime bien mieux, au risque d’en périr.
Souffrir le mal que de le faire.
“Jupiter et Brebis”