Abel Fabre
Abbé, instituteur et fabuliste XIXº – L’ Enfant terrible
II existait, dans un village,
Une enfant de cinq ans, aimable autant que sage.
Son père, illustre personnage,
Réunit un jour, au salon,
Les notables de son canton.
On fait signe à l’enfant. « 0 ma pauvre Marie,
La mère, en la voyant, s’écrie
D’un air gracieux et moqueur,
Qu’a donc pensé la cruelle nature
En te dotant de semblable figure ?
Mais, vraiment, c’est à faire peur !
Et puis, mon Dieu, quelle tournure !
Quelle vilaine et sotte allure ! »
Marie alors s’arrête et, fièrement, répond :
« Eh! maman, je suis votre fille. »
Mot incisif, s’il n’est profond ;
Dans ce mot un sens moral brille :
Combien de filles, en ce temps,
Gourmandes, coquettes. légères,
Pourraient dire à leurs pauvres mères :
« Nous sommes vos filles, mamans! »
Abel Fabre