» Est-il de destinée à la mienne pareille !
Disait à certaine corneille
Un moucheron à peine éclos :
Sur la surface de ces flots
Je voltige un instant le long de la rivière ;
Mais pour moi fout commence et s’achève aujourd’hui ;
Et je nais avec le jour, et je passe avec lui
. Hélas ! bientôt, ainsi que la lumière,
Ma vie est prèle à s’affaiblir,
Et ma carrière
Va finir.
—Hé ! de quoi te plains-tu, dit la vieille commère?
De ce qu’un même jour te voit naître et mourir ?
A ce jeu l’on gagne à courir ;
Quand on ne fait que passer sur la terre
On n’a pas le temps d’y souffrir.
Explication morale :
Pourquoi n’être jamais content de son sort ! nos plaintes sont presque toujours injustes et injurieuses à la bonté divine Dieu a donné à l’insecte qui doit ne voir qu’une soûle fois le soleil, autant de jouissance et de vie qu’à l’animal qui meurt à cent ans. Pour la frôle et rapide existence de l’éphémère, une seconde est un jour, et un jour plus d’un demi-siècle. Lorsque le soleil est près de se coucher, l’insecte est près de mourir de décrépitude, et déjà fatigué de sa longue existence ; comme la vieille corneille qui ne peut plus cherchez sa nourriture, et meurt presque d’inanition Qu’importe le temps qu’on passe sur la terre et l’espace qu’on y occupe? Le cheval épuisé de travaux, le bœuf que l’on conduit à la boucherie pour récompense de ses labeurs, sont-ils plus heureux que ces insectes imperceptibles à nos yeux; qui vivent en familles nombreuses dans une goutte d’eau croupie, ou sur un brin d’herbe? (l’Éphémère et la Corneille)
L’Éphémère et la Corneille