Il nous arrive fréquemment
De nous mettre pour rien l’esprit à la torture ;
On s’intrigue, on raffine, on juge , on conjecture ,
Tout le secret parfois est d’agir simplement.
Un jour quelqu’un d’une cassette
Crut à propos de faire emplette.
Elle était d’un fini, d’un goût, d’une beauté
Qui faisaient qu’à la voir on était enchanté.
C’était enfin un meuble unique.
Survient certain individu ,
Qui se dit dans la mécanique
Etre ,on ne peut plus , entendu,
— Cette cassette est sans serrure ,
Donc, dit-il, elle est à secret ;
Je l’ouvrirai , la chose est sûre.
Je m’en fais fort, ce sera bientôt fait.
Gardez-vous d’en douter; c’est en vain qu’en cachette
Vous vous riez de moi ; dans l’instant sans crochet
Je vais m’en rendre maître , et j’ouvre la cassette.
En mécanique, moi, je vaux aussi mon prix.
Il s’empare du meuble, il l’examine , et puis Le tourne,
le retourne et s’y casse la tête.
D’abord il pousse un clou., … rien… et se ravisant.
Il en presse un second … encor peine perdue.
Puis il travaille l’anse, en arrière, en avant,
Sou attente est encor déçue.
Voyant son génie aux abois ,
On s’égayait en tapinois ;
Tandis qu’il était au supplice,
On chuchotait, on souriait ;
A chaque pièce qu’il touchait,
On s’écriait avec malice :
Ce n’est pas ça , Ce n’est pas là.
Confus, impatient, d’autant notre Archimède ,
S’intrigue , enrage , sue et rien ne lui succède.
De fatigue épuisé , notre homme enfin se rend,
Sans pouvoir ouvrir la cassette.
Pourquoi se cassait-il la tête ?
Elle s’ouvrait tout simplement.
“La Cassette”