Daniel Allemand
Fabuliste contemporain – La cavale du Vendangeur
Comme à l’accoutumée un gentil vendangeur
Apprécia la teneur
De son tout dernier cru
Bien plus qu’il n’eut fallu.
De tout temps son cheval rentrait son attelage
En lui tenant langage
Que son vin qu’il disait la renommée du monde
N’était que vile piquette de paysan,
Le nouveau millésime en étant si immonde
Serait au mieux immunisant !
« Pour qui te prends-tu donc ma vilaine bourrique ?
Je vais de ce nectar en remplir mes barriques
Qui par sa maturation du sucre des moûts
Va faire des envieux bien plus que des jaloux. »
Le beau quadrupède vexé
Lui tint alors ce fort propos :
« L’homme n’a que l’ivresse pour décomplexer
Et le soûlard se prend pour Dieu, malta propos
J’ai cent fois côtoyé les dieux
Dont le grand Bacchus mélodieux
Dans la brume argentée d’alors
Des raisins dignes de son rang
Pressant les ceps aux feuilles d’or
Des vins à l’insigne de son sang.
Là, voir dans vos Bacchantes la folie humaine
Des glouglous de bouteille et vilaines haleines
Me font croire à tort que nous faisons la noce ! »
« Tu ne cites qu’un Dieu, la rosse ! »
« Je suis pourtant de ceux qui vont d’enfer au ciel
Erotique en mes chevauchées
Chamanique et providentiel
Des quatre couleurs harnachés
Dans l’Apocalypse du jugement dernier
De Pégase en Bucéphale qui peut nier
Que le cheval allie force et intelligence
Qu’entre les dieux et les hommes il est convergence ? »
Il avait sorti la grosse cavalerie
Quand de sa plaidoirie
De l’ivresse du vin, son maître tout marri
Vomissait tripes et boyaux sur ses armoiries.
Pour se montrer divin
Point trop ne faut de vin.
Daniel Allemand
- Fables et illustrations de Daniel Allemand, blog à visiter…Plumes et Rimes