Édouard Delfont
Fabuliste contemporain – La Chienne silencieuse
Une chienne qui d’ordinaire
Aboyait sans répit
Cessa sans préavis
Ses jappements d’odieux cerbère.
Ses maîtres d’applaudir, les voisins d’approuver :
L’animal consentait à se socialiser
Après plus de trois ans de dressage et d’efforts.
Tudieu, le bon silence ! Ah, le doux réconfort !
L’on flatta l’animal, on le caressa bien.
Allez, c’était un bon mâtin ;
La chienne avait compris que son bruit assommait.
Trois semaines plus tard,
Le maître, un bon gaillard,
Trouva sa bête maigre et vit qu’elle jeûnait.
Il mande un médecin
Qui ne découvre rien.
Une semaine passe, une autre glisse encore.
L’animal dépérit ; on s’inquiète plus fort.
La chienne n’aboie point, pas un cri, pas un son ;
Elle reste allongée dans un coin du salon.
Puis un triste matin l’on comprend la raison :
Un chiot est trouvé mort non loin de la maison.
Point de cris quand le cœur
Tout empli de malheur
Saigne et presque s’arrête.
Les grandes douleurs sont muettes.
Edouard Delfont