Une Chienne en gésine
Disait à sa voisine :
« Je touche aux douloureux moments ;
Prêtez-moi, je vous prie,
Votre chenil, seulement pour le temps
Que durera ma maladie. »
Elle y consent ; au bout de quelques jours,
Notre charitable commère
Qui bivaquait* aux alentours,
Vient pour voir si sa locataire
Est disposée à vider le local.
« Je suis encor bien mal,
Dit celle-ci ; j’ai la migraine ;
Mes petits se traînent à peine,
Patientez un peu. »
Elle y consent encor ; mais ce n’était qu’un jeu :
Quand la propriétaire,
Couchant toujours dehors,
Revint plus tard, les petits et la mère
Se portaient à ravir ; mais ils ne songeaient guère
A déguerpir pour lors.
Ne pouvant point employer les recors,
Elle montra, de façon fort logique,
Qu’on avait tous les torts ;
Qu’en un moment critique
Elle avait prêté sa maison,
Tout, lit, chambre, salon,
N’ayant plus que le ciel pour voile,
En couchant à la belle étoile ;
Qu’il était de toute raison,
Qu’à la fin on lui… Pour réplique
A tous ses arguments,
La nichée et la mère
Lui montrèrent les dents.
Le dépit et la rage
Lui donnant du courage,
Elle se prépare au combat,
Et la lutte s’engage ;
Mais la hutte aussitôt s’abat,
Blesse la mère, écrase la nichée,
Qui sort de là meurtrie et toute déhanchée.
Laissez au ciel le soin de punir les méchants,
Sans dire que ce qu’on leur donne
Toujours on s’en repent ;
Par charité faites l’aumône ;
Ne prêtez qu’à bon escient.
*Autre forme de bivouaquer
“La Chienne et sa Compagne”