Le soleil de ses feux embrasait l’univers ;
Amante de l’été; la cigale enjouée,
Du matin jusqu’au soir importunait les airs
Des sons de sa voix enrouée.
Un jour que sur un arbre, ornement de jardin,
Elle chantait à sa manière,
Arrive une fourmi maudissant le destin.
La cigale la voit.— Qui cause ton chagrin?
Dit-elle à cette aventurière.
De quoi te fâches-tu?— De me voir prisonnière,
Au jardinier Thomas j’ai sans doute déplu ;
De cet arbre au logis je faisais maint voyage.
Et voilà tout-à-coup qu’une perfide glu ,
Entourant le pommier et fermant le passage,
Me relègue sur ce feuillage
Dans un dénuement absolu.
— Ah ! si j’avais de la rancune,
Que je rirais de ton malheur!
S’écria la cigale: heureusement: mon cœur
Compatit à ton infortune.
Place-toi sur mon dos; je vais, pour t’obliger,
Par un rapide vol le soustraire au danger.
L’autre d’y consentir. Soudain à tire-d’aile,
Fière de faire voir comme on doit se venger,
La cigale l’enlève et la conduit chez-elle.
— Dame fourmi, Voilà votre cher magasin,
Lui dit-elle, entrez-y; mais si l’hiver prochain
Quelque malheureuse cigale
Vient, pour résister à la faim,
Vous emprunter un peu de grain,
Recevez sa prière avec moins de dédain,
Et soyez envers elle un peu plus libérale.
“La Cigale vengée”