singe de sa nature ,
Fort mal bâti de corps , fort vilain de figure,
Après avoir volé dans tous les environs
Force noix et force melons ,
Après avoir couru jusques à perdre haleine ,
N’en pouvant plus , aux bords d’une claire fontaine
Il arrive fort à propos ;
Et, sans que je l’assure, on me croira sans peine.
Grimassotin , dans ces limpides eaux .
Sans plus tarder se disposait à boire ,
Quand tout-à-coup, à ce que dit l’histoire ,
Viennent s’offrir à ses regards surpris
Les traits affreux d’un vilain être ,
Que pour le diable il aura pris peut-être ,
Si de Grimassotin le diable était connu ;
Mais sur ce point je n’ai rien lu.
Grimassotin eut peur; la chose est avérée,
Car autrement je ne la dirais pas ;
Même Grimassotin recula du trois pas ;
Mais bientôt sa frayeur étant un peu calmée ,
Il fait un pas , puis deux , trois en avant ;
Le voilà sur le bord ; le même personnage,
Dès qu’il paraît, reparaît à l’instant.
Grimassotin , en son brillant langage ,
Le complimente ; en singe , l’on m’entend :
« Monseigneur, que votre éminence
» Me laisse un peu la contempler :
» Quels traits ! quel port ! quelle élégance !
» Oh ! qui pourrait ne pas vous admirer !
» Noble est votre maintien ; votre taille est parfaite;
Le beau corps ! les beaux pieds ! et l’agréable tête ! »
Le joli petit nez ! les charmants petits yeux !
Voyez quelle bouche vermeille !
» Et cette queue, elle sied à merveille!
» Et cette peau dont la blancheur
» Du cygne efface le plumage !
» Que de beautés !…. » Notre complimenteur
Allait encore en dire davantage ,
Quand le Pienard , passant par là ,
Fort à propos vint l’interrompre : « Or çà ,
» Dit-il, à qui tenez-vous ce langage ?
» — « A qui ? regardez ; voyez-vous
» Ce petit animal dont la laideur extrême…
». Le Renard le regarde : « Ami , que dites-vous ?
« Prenez-y garde , c’est vous-même. »
La Critique du Singe, par Anthine Ménard, de Savenay.