Voyant venir Noël, une dinde songeait :
“Mon maître encore hier m’a dit que j’étais belle…
Aurait-il pour dessein quelque fâcheux méfait ?
Ah non ! Je ne veux pas finir dans son écuelle !
Le cas s’est déjà vu, on me l’a raconté.”
Sans attendre, elle ourdit avec ses deux complices,
La chèvre et le cochon, un plan pour s’évader,
Et cela au plus tôt. La nuit leur fut propice.
Les voilà donc tous trois, dans le plus grand secret,
Qui franchissent le mur de la petite ferme.
Tout joyeux, ils chantaient, riant de leur succès :
“Nous ne serons jamais de ceux que l’on enferme !”
La chèvre s’encourut brouter le romarin.
Le cochon, pour des glands, s’arrêta sous un chêne.
La dinde s’éloigna, ne songeant plus à rien,
Qu’à cette liberté qui en valait la peine.
Insouciante, elle se gava de limaçons,
De dodus vers de terre et de graines sauvages,
Sans avoir remarqué, au détour d’un buisson,
Goupil qui, ce jour-là, rôdait dans les parages.
Nul besoin d’être clerc pour deviner sa fin !
Tous les trois auraient pu certainement bien vivre
En y mettant du leur, unissant leurs destins…
Ensemble, on est plus fort, c’ écrit dans les livres.
- Alain Gautron, La dinde, la chèvre et le cochon.