Alexis Rousset
Poète et fabuliste XVIIIº – La Fable chanteuse et le Café
Punie avec sévérité
Pour avoir dit la vérité
A quelque grand impitoyable,
La Fable vivait dans l’exil.
Hélas! elle y semblait faire un métier bien vil :
Dans les cafés la pauvre Fable
Se promenait de table en table,
Chantait ses vers et demandait
Une modeste pièce en cuivre
Au bon public qu’elle obsédait
Quelquefois ; mais il faut bien vivre.
Un courtisan de son pays
Nez à nez se rencontre avec la pauvre fille.
Grand amateur de ce qui brille,
Tout courtisan pour les proscrits
Se montre assez peu charitable.
— Qui? toi! dans un café ! Quel métier fais-tu là ? —
— C’est un métier fort honorable. —
— Honorable ! quand te voilà
Mendiant ! C’est trop fort. – Eh ! je tiens pharmacie. –
— Toi ! que vends-tu, ma pauvre amie ? —
— J’ai des prescriptions contre tous les défauts
Qui corrompent le cœur. — Fadaise ! —
— Et j’offre encor, ne vous déplaise.
Des maximes pour tous les maux. —
Combien ce mot est véritable !
Parlez, n’est-ce point là le rôle de la Fable ?
Alexis Rousset , La Fable chanteuse et le Café