La vérité, toute nue,
sortit un jour de son puits.
Ses attraits par le temps étoient un peu détruits ;
jeune et vieux fuyoient à sa vue.
La pauvre vérité restoit là morfondue,
sans trouver un asyle où pouvoir habiter.
à ses yeux vient se présenter
la fable, richement vêtue,
portant plumes et diamants,
la plupart faux, mais très brillants.
Eh ! Vous voilà ! Bon jour, dit-elle :
que faites-vous ici seule sur un chemin ?
La vérité répond : vous le voyez, je gèle ;
aux passants je demande en vain
de me donner une retraite,
je leur fais peur à tous : hélas ! Je le vois bien,
vieille femme n’ obtient plus rien.
Vous êtes pourtant ma cadette,
dit la fable, et, sans vanité,
par-tout je suis fort bien reçue :
mais aussi, dame vérité,
pourquoi vous montrer toute nue ?
Cela n’ est pas adroit : tenez, arrangeons-nous ;
qu’ un même intérêt nous rassemble :
venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
Chez le sage, à cause de vous,
je ne serai point rebutée ;
à cause de moi, chez les fous
vous ne serez point maltraitée :
servant, par ce moyen, chacun selon son goût,
grâce à votre raison, et grâce à ma folie,
vous verrez, ma sœur, que par-tout
nous passerons de compagnie.
“La Fable et la Vérité”