La Vérité dit un jour à la Fable :
« De quel front soutiens-tu que nos droits sont égaux ?
J’existe avant les tems : toujours brillante & stable,
J’ai vu les élémens s’élancer du cahos.
Tout se détruit, change & succombe ;
A cette loi l’Univers est soumis ;
Je la brave ; un Empire tombe ;
Moi, je m’assieds sur ses débris. »
« Je connois ton pouvoir, je sçais ton origine,
Lui répond la Fable en riant ;
Elle est très-noble assurément ;
Sur les âges elle domine :
Je ne suis que ton ombre, & le dis franchement ;
Mais je suis une ombre badine.
Ton miroir, par exemple, est un meuble effrayant ;
La foiblesse le craint, l’amour-propre le brise ;
Moi, je corrige en égalant ;
Tu montres la leçon, & moi, je la déguise.
Le tems ne fut pas trop sensé
De t’avoir ainsi dépouillée :
Quand l’homme est corrompu, tu dois être voilée.
Ma très-auguste sœur, l’âge d or est passé.
Ne vas point prêcher ainsi nue,
Si tu prétends grossir ta cour ?
Vénus même, Vénus plaît mieux un peu vêtue ;
La nudité ne sied bien qu’à l’Amour.
Tu menaces ; je ris sans cesse.
Pour instruire l’orgueil, il faut le caresser.
Quand je guéris les cœurs que tu viens de blesser,
L’homme, ce vieil enfant, me prend pour la sagesse.
Tiens, faisons la paix en ce jour :
Unissons-nous pour venger ton injure :
Je serai ta Dame d’atour,
Et j’aurai soin de ta parure. »
“La Fable et la Vérité”