Un vendeur fort accommodant,
Pour le prix le plus ordinaire
Se défaisait d’un beau cheval normand ,
Qu’il avait de Falaise emmené nuitamment,
Sans l’avis du propriétaire.
Celui qui se fournit aux dépens du prochain
Peut, sans perte , vendre à sa guise ,
Et, content d’un honnête gain ,
A très-bas prix livrer sa marchandise.
Ainsi fit du cheval l’habile trafiquant.
« Le garantissez-vous? » dit l’acheteur prudent,
Quoiqu’au fond du marché fort aise.
— « Sans doute , » répond-il… ,
« pourvu que cependant
» Vous ne passiez pas par Falaise ! »
Nous avons plus d’un écrivain
Qui des travaux d’autrui fort lestement s’empare ;
Qui pille, prend de toute main .
Et, fier de ce riche butin ,
D’un bien si mal acquis naïvement se pare.
Dites à ces gens-là : « Ce vers est-il de vous ?
» Cette pensée est-elle, en tout honneur, la vôtre ?…
« L’auriez-vous par mégarde empruntée à quelqu’autre. »
— « Eh! quoi! » répondront-ils sans aigreur, ni courroux .
« Ne sait-on pas quel scrupule est le notre?…
» Ces pages sont à moi ! J’en fais ici serment !
» Nul n’affirmera le contraire.. .
» A moins qu’on n’ait lu cependant
» Pascal, La fontaine ou Molière ! »
Léon Halévy – 1802 – 1883 (fable la garantie)