Le singe et la girafe un matin devisaient,
Et voilà ce qu’ils se disaient :
« Hélas ! soupirait la girafe,
Je suis à plaindre, voyez-vous;
A chaque arbrisseau je m’agrafe,
Les bois dont les abris pour d’autres sont si doux
Me sont fermés ! je vais à l’aventure,
Parmi les déserts sans verdure,
Sous l’implacable feu d’un soleil dévorant.
Si parfois je trouve courant,
Un bosquet, l’obstacle m’arrête,
Je ne sais où mettre ma tête !… »
Or le singe, de son côté,
Disait : « Je suis en vérité
Plus à plaindre que vous, peut-être :
Petit, malingre, désarmé,
Vous pourrez me voir alarmé
Rien qu’à voir un aigle apparaître. »
Soudain la girafe au lointain,
Grâce à sa tête haut perchée,
Vit des cavaliers ; à grand train
Accourait cette chevauchée ;
C’étaient des chasseurs sûrement…
La girafe, ingambe et légère,
Se met au large en un moment ;
Dans la forêt hospitalière
Le singe grimpe agilement :
Chacun se sauve à sa manière.
Moralité
Cela prouve que l’on a tort
D’être toujours mécontent de son sort.
“La Girafe et le Singe”