Une abeille vive et légère,
Dont on devait espérer du profit,
Prit l’essor, et, peu ménagère,
Laissa passer l’été sans faire aucun produit.
Cependant tous les jours au lever de l’aurore
Elle était à l’ouvrage et mettait tout en train :
Vous eussiez dit que des présents de Flore
Elle eût tiré l’essence et fait un grand butin;
Mais non : de chaque fleur qu’elle voyait éclore
Elle admirait les attraits éclatants,
Et n’en prenait que la superficie :
Elle faisait comme font bien des gens,
Qui, voulant jouir de la vie,
Ne pensent point à l’avenir.
Mais quand la chaleur fut passée
Et que l’hiver se fit sentir,
Notre abeille à demi glacée,
N’ayant pas de quoi subsister.
Regrettait, mais en vain, cette saison aimable
Dont elle aurait dû profiter.
Trop tard on devient raisonnable.
Jeune on ne pense qu’au présent,
Sur le futur on est tranquille,
Et l’agréable bien souvent
Empêche de penser à l’utile.
“La jeune Abeille”