Chloé, jeune, jolie et surtout curieuse,
— La curiosité des femmes est le lot —
Lisait seule en un coin, et sans dire un seul mot,
Un roman, débauche honteuse
D’un esprit malade et rêveur.
De tels ouvrages me font peur.
On les trouve pourtant au village, à la ville
Où le goût n’est plus difficile ;
Chez le rentier, le grand seigneur,
Et même jusque sur la table
Du malheureux et pauvre diable
Qui veille pour gagner le pain
Indispensable à sa famille.
La mère passe et voit sa fille,
Un de ces livres à la main.
« Que fais-tu, mon enfant ? réponds-moi, sois sincère ;
Ne sens-tu pas quelque remords
Quand tu trompes ainsi ta mère ?
Ce mauvais livre est pour ton cœur, ma chère,
Ce qu’est le poison pour le corps.
Imite désormais le sage
Qui déchire, en lisant, la page
Qui peut corrompre son esprit.
Des traits moraux que présente un écrit
Il fait ses plus chères délices,
Tandis que l’homme corrompu
Recherche avidement les livres où les vices
Font guerre ouverte à la vertu. »
“La Jeune Fille et le Roman”