Une jeune souris de quelques mois à peine,
Voulut quitter son trou pour courir dans la plaine ;
Mais sa mère qui connaissait
Les embûches que l’on tendait
Depuis un fort longtemps aux gens de sa famille,
Lui dit à son départ :
Ecoute bien, ma fille,
Pour te guider en route il me paraît prudent
De te donner, en nous quittant,
Quelques sages conseils qui te seront utiles ;
Car en pièges secrets les humains sont fertiles,
Et comme on nous connaît friands de certains mets,
On en surcharge alors pièges et trébuchets :
Tantôt ce sont des noix, et tantôt du fromage,
Qu’on dépose avec art dans une étroite cage.
Tu pourras, sous tes pas,
Trouver de tels appâts ;
Ne t’en approche pas,
Mon enfant, je t’en prie, il y va de ta vie.
En ce monde, ma fille, il faut être prudent
Pour éloigner de soi tout funeste accident.
Ayant parlé de la sorte,
La dame ferma sa porte.
Mais, hélas ! à quoi sert de prêcher un enfant ?
De parler à des sourds on gagnerait autant.
Ce que j’avance est véritable,
Vous le verrez par cette fable.
La jeune voyageuse à peine était dehors,
Qu’elle trouve en chemin quantité de ressorts :
Un piège ici tendu ; là, c’est une ratière,
Une planche plus loin, machine meurtrière,
Qui conduit au trépas
Les souris et les rats.
Une tranche de lard pendait à la machine,
Et l’imprudente pèlerine,
Comme un volage souriceau,
Sentit en passant le morceau.
Elle avance, recule, enfin elle en approche ;
Elle y touche, ó malheur ! l’appareil se décroche :
La bascule perfide, en recouvrant le lard,
Ecrase la souris, qui vit bien, mais trop tard,
Que de sa fin tragique on est l’unique cause,
Quand, par imprudence, au danger l’on s’expose.
“La Jeune Souris”