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De feue la Rossinante, une maigre jument,
Que pour son origine en ces lieux on respecte,
Au pas marchait languissamment,
Invoquant sa défunte aïeule.
L’estomac creux, le ventre transparent,
Elle charriait toute seule
Une voiture de bon foin,
Dont l’odeur et l’espoir la soutenaient encore.
Avec l’espérance on va loin ;
Elle avance en soufflant, du coin de l’œil dévore
Ce doux prix qu’elle croit certain,
Et lentement se traine vers la grange.
On décharge ; arrive un poulain
Qui, gambadant, folâtre et mange.
La jument, sans façon, y vient prendre sa part ;
Mais son maître, aussitôt, la conduit à l’écart,
Disant : « On m’a payé, ce foin n’est plus le nôtre.
— Payé ! toi ! quand je pioche ! il n’est droit nulle part !
Las ! la peine est pour l’un et le profit pour l’autre ! »
“La Jument et son Maître”