Dans une superbe prairie ,
Une jument et son poulain
Paissaient l’herbe tendre et fleurie.
Le petit animal voyait avec chagrin ,
Qu’un faucheur près de lui tenait sa faulx tranchante ,
Et d’un bras nerveux abattait
L’herbe et les fleurs : il dit, quelle perte affligeante !
Le méchant détruit tout : le jouvenceau craignait
Qu’une telle déconfiture
Le privât de cette verdure
Qu’il paissait de bon appétit
La jument lui dit : mon petit ?
Ne craignez rien , l’herbe revient plus tendre,
Et dès demain y sans plus attendre,
Au même endroit nous saurons pâturer.
— Fort bien , mais pourquoi renverser
Cette herbe si grande et si belle ?
— Mon fils , modérez votre zèle :
Sachez que la précaution .
Fait recueillir le foin pour une autre saison.
L’affreux hiver engourdit la nature ;
Il détruit tout , les fleurs et la verdure ;
La terre alors n’offre dans nos climats
Que des glaçons et des frimats.
Vous sentez quel bonheur ? dans cette circonstance
Que ce bon faucheur songe à nos besoins d’avance.
Souvent une bonne action,
Une sage précaution ?
Passe pour crime aux yeux de l’ignorance.
Jamais nous ne devons juger sur l’apparence.
“La Jument et son Poulain”