Un jeune coq, dont le plumage
Ne comptait qu’un printemps et le tiers d’un été,
Mais qui rêvait déjà dans sa précocité
D’un chef de basse-cour le joyeux apanage,
En ennemi public tout à coup transformé,
De tout le sérail emplumé,
Du coq régnant surtout devint la bêle noire.
Meurtri de coups de bec, réduit à se cacher,
Le malheureux ne savait où percher,
Ne pouvait ni manger ni boire,
La cause, je l’ignore ; et je ne prétends pas
Expliquer les antipathies,
Les injustices, les folies
De tous les peuples d’ici-bas.
Je dis le fait; et quand dans son domaine,
Lasse enfin de voir batailler,
La fermière voulut juger en souveraine
Cette émeute de poulailler,
Je ne vous dirai pas que sa juste vengeance
Châtia des mutins la brutale insolence :
Ils étaient en majorité.
Pas un seul coup de fouet, pas le moindre reproche;
Mais pour rétablir l’ordre et la tranquillité,
L’innocent fut mis à la broche.
L’équité, le bon droit sont de beaux titres; mais,
Si dame opinion vous est rude et sévère,
Ne jurez pas de n’éprouver jamais
La justice de la fermière.
- Jean-Pons-Guillaume Viennet 1777 – 1868
- “La Justice de la fermière”
- Image “Musée des familles et lecture du soir – 1848-1849- tome VIe.