Jean-Louis Azencott
Fabuliste contemporain – La Laitière et le pot au lait
Un pot de lait sur sa chouette bobèche, la môme Perrette tricotait des arpions sur le chemin qui mène à la ville, pour palper un peu d’braise. La virée était longue et le tangage du pot agitait la cervelle un peu bille en tranches de la mistonne. Des court-jus l’harpignaient sans cesse. Son battant s’accélérait à chacune de ses pensées et, sous les rayons brûlants du moulana, ses jacquots de coq se raidissaient de plus en plus. Elle était cependant bien choucarde la gosseline Perrette avec ses dix-huit berges et ses chasses de velours cloques vers l’horizmuche. Une jupette en madras ficelée juste en dessous de son nombril piercé faisait jaillir la menteuse des invertébrés lubriques qui encombraient les bas-côtés du camino. Elle arquait donc pénarde, se poilant toute seule d’une façon si phéno que les herbacés du fossé frissonnaient à l’unisson. Elle se fendait donc la pipe en gambergeant à tout ce qu’elle allait bien pouvoir acheter avec son lait. Des œufs pour commencer qui donneraient de belles gallines productives et des pintadons à foison, puis après avoir fourgué ses poulagas, elle achèterait des cochonnets au cul rose et au groin fouineur qu’elle engraisserait avec le blé presque gratos du commerce équitable, puis ensuite, des p’tits veaux qui tètent encore à la mamelle. « Ben ça boume ! » se dit-elle à sa pomme en s’faisant tout c’cinoche. Elle continua à arquer, tout en turbinant du cassis, remuant son joli pétrus de fermière endimanchée avec une légèreté de gazelle, les mandarines pointées aux quatre zefs et l’humeur sautillante.
A ce moment-là, un bruit insolite se fit esgourder. La ménesse, curieuse comme une ménesse, tourna brusquement la carafe et poum !
le pot au lait dans les orties. C’était pourtant juste un petit rampant pervers qui s’était faufilé dans un buisson pour y licher les pinceaux. Du coup, plus de lait. Adieu veaux, vaches, cochons. Quand elle se rendit compte du désastre, elle pensa que son époux lui dévisserait son frottin, la dessouderait sans sommation à coups dlattes dans les côtes et d’taloches dans la tronche. Elle arriva donc en rampant et en rasant l’crépi refait de son baraqu’ment. Son viocard de mari la voyant rappliquer les mains vides et les rotules entamées, au lieu dla bastonner sévère comme il aurait dû, il lui dégrafa sa jupette et lui honora à l’ancienne (à même la cirée à carreaux dla table de la cuisine) l’entiecuisson avec une fraîcheur dans les sentiments jusque-là inconnue. Et ils se cloquèrent, après l’inattendue balistique, quelques splendides confiseries dans l’buffet pour boucler la fiesta. La noille venue, le mari remit l’couvert sans se détripler davantage le citron. Mystère et boule de gomme chez les laitiers !
Moralité : Si tu veux te taire chatouiller les flâneuses et polir l’chinois sans même demander, donne-z’y du lait à vendre.
Jean-Louis Azencott