Je n’aime pas ces paladins femelles,
Désavoués de Vénus et de Mars,
Qui, contre un heaume échangeaient leurs dentelles,
Portaient rondache et brassards et cuissards,
Et, se jetant au milieu des hasards,
L’épée au poing, contre de vieux soudards,
Ne craignaient pas de mesurer leurs lames,
Par des brutaux se laissaient terrasser,
Ou, d’une main faite pour caresser,
Sabraient des sots, qui les croyaient des femmes.
Le prix du temps est mieux connu des dames
Et, de nos jours, on sait mieux remployer.
Que dis-je ? hélas ! si Mars n’a plus d’amantes,
La plume en main, burlesques Bradamantes,
Ne voit-on pas les Saphos guerroyer ?
Ne voit-on pas pas plus d’une péronnelle,
Du dieu du goût soi-disant sentinelle,
Cuistre en cornette, et Zoïle en jupon,
De Despeautère empoigner la férule,
Et de Boileau se déclarer émule,
Les doigts salis de l’encre de Gâcon ?
A ce métier qui les force à descendre
Quel est l’honneur, le bien qu’il leur promet ?
Par ce récit vous le pouvez apprendre,
Si votre temps, Messieurs, vous le permet.
Folette avait été jolie en sa jeunesse,
Du moins le croyait-elle, et cela se conçoit :
On croit, et c’est encor la commune faiblesse,
Aux compliments que l’on reçoit
Bien plus qu’à ceux qu’on fait.
Pardonnons à Folette,
Qui n’est qu’une pauvre levrette,
Un travers, qu’il nous faut excuser tous les jours
Chez tant de personnes honnêtes,
Femmes d’esprit, parfois, à de pareils discours
Aussi crédules que des bêtes.
Sur une aile rapide incessamment porté,
Le Temps entraîne tout en sa vitesse extrême ;
Et souvent l’âge heureux qui tient lieu de beauté,
Fuit plus prompt que la beauté même.
Ce vernis de fraîcheur, sous lequel, à vingt ans,
La laideur même a quelque grâce,
Des charmes qu’on lui dut pendant quelques instants,
Emporte, en l’effaçant, jusqu’à la, moindre trace.
Folette, en le perdant, parut ce qu’elle était.
Tel défaut qui passait avant pour un attrait,
Ne fut plus qu’un défaut ; sa taille, en tout temps maigre,
Et qu’on disait légère, enfin prend son vrai nom.
Son poil roux cesse d’être blond ;
Piquante auparavant, son humeur n’est plus qu’aigre.
De caresses sevrée, ainsi que de bonbons,
Folette, à ses jeunes rivales,
Voit, par des mains pour elle autrefois libérales,
La préférence offrir et prodiguer ses dons.
Son orgueil s’en indigne. « Et c’est à moi, dit-elle,
Qu’on refuse même un regard !
C’est moi qu’on traite, sans égard,
Comme une vieille demoiselle !
Un tel scandale doit cesser ;
Bientôt tout rentrera dans l’ordre.
Je ne me faisais pas prier pour caresser,
Je me ferai prier bien moins encor pour mordre. »
Et puis, sans distinguer le maître, les valets.
Les grands et les petits, le garçon et la fille,
La voilà qui se rue à travers la famille,
A ceux-ci mordant les mollets,
A ceux-là mordant la cheville :
Je vous laisse à penser quel fut l’étonnement !
Sur la cause du mal, dans le premier moment.
La compagnie est partagée :
— La levrette, dit l’un, est folle assurément !
Il est payé de ses morsures :
Tels seront tes plus sûrs produits,
Si tu prends son ton, son air rogue ;
En dogue si tu te conduis,
On t’étrillera comme un dogue.
“La Levrette le Chat et le Dogue”