Sur le bord de la mer des enfants s’amusaient.
Rien n’altérait l’éclat de la voûte azurée ;
Mais contre les rochers en montant se brisaient
Les flots houleux de la marée.
Pensant la faire dévier,
Les bambins entassaient, d’une main impuissante,
Des digues de cailloux cimentés de gravier
Contre la vague envahissante.
Un pêcheur au front chauve aperçut par hasard
Ces fous, qui se croyaient les maîtres du rivage.
Amis, leur cria le vieillard,
Prêtez l’oreille au bruit de l’océan sauvage.
En bâtissant des murs de sable et de galets,
Vous n’arrêterez pas sa marche sûre et prompte.
Les lames viennent ; voyez-les !
Prenez garde à vous ! la mer monte.
Ce conseil fut perdu. Les jeunes étourdis
Par un vain espoir enhardis,
Ne l’écoutèrent point. Mais déjà sur le sable
S’allongeait autour d’eux un cercle infranchissable.
Que pouvait le pêcheur ? Il était vieux et seul…
A leur niveau prescrit les vagues arrivées,
Dans leurs plis écumeux, comme dans un linceul,
Roulèrent les enfants qui les avaient bravées.
L’exemple doit vous avertir,
Ennemis des progrès que le temps nous amène ;
Vous n’entendez point retentir
Le sourd mugissement de la marée humaine :
Vous voulez entraver par de faibles remparts
L’irrésistible flux que votre orgueil affronte ;
Ô vous que l’avenir presse de toutes parts,
Prenez garde à vous ! la mer monte.
“La Marée montante” Emile de la Bédollière, 1812 – 1883.