« Ah ! que du peuple souriquois
« Je maudis l’infernale engeance!
« Quand le jour baisse, en tapinois
« Vers mon réduit mainte souris s’avance.
« Pour forcer les verroux elles ont un secret !
« Aussi, chaque matin c’est un nouveau méfait,
« Et je tremble d’entrer dans ma bibliothèque.
« Que vois-je? un superbe Sénèque
« En lambeaux , ainsi que Charron !
« Hier c’était un Cicéron,
« Et demain ce sera Voltaire.
« Si du moins V…. ou Cotin ,
« Nonotte, Lesuire ou Laserre,
« Ou tel autre ennuyeux bouquin,
« Suffisait pour les satisfaire ;
« Mais point du tout, et mon malheur
« Veut que toujours souris agisse en connaisseur.
« Grand remède à grands maux! c’est la règle ordinaire.
« Sans tarder marchons en avant. »
Ainsi parle et se désespère
Un philosophe? — Oh! non, mais un savant
Qui, fort souvent,
S’abandonnait à la colère.
D’abord à son secours il fait venir les chats ,
Puis sème de la mort-aux-rats ,
Poison de la plus fine espèce.
Notre homme en us croit voir ses ennemis à bas.
Quel est pourtant le fruit de sa rare sagesse ?
Trotte-menu du piège évite les appâts,
Et Rominagrobis meurt en s’y laissant prendre.
Ceci prouve qu’il faut apprendre
A prévoir sagement les divers résultats.
Ajoutons que, dans tous les cas,
Fût-ce même pour se défendre,
Il est fort dangereux d’employer le poison :
Le chat devait suffire ; un moyen, s’il est bon,
A plusieurs est bien préférable :
Voilà trois vérités qui naissent d’une fable.
“La Mort-aux-Rats”