Un lion, fondateur d’un très-puissant empire,
Dans l’art de gouverner n’avait pas son égal.
Sous ses lois le peuple respire ;
Il n’est si chétif animal
Qui n’ait l’existence assurée;
On croyait vivre au temps d’Astrée.
Combien ce règne était heureux !
Le peuple au ciel adressait mille vœux
Pour en prolonger la durée.
Le modèle des potentats
Voyait sa gloire en cent lieux célébrée…
Les grands seigneurs pourtant ne l’aimaient pas :
Il ne leur permettait aucune fantaisie…
Ils murmuraient de toutes parts.
Ours, tigres, loups, panthères, léopards
Ne pouvaient à leur gré disposer de la vie
D’un malheureux chevreuil. A cette tyrannie
On résolut de mettre fin.
Nos conjurés s’assemblent en silence.
Vertot nous dit que le sénat romain,
Sans bruit, par un coup clandestin,
De Romulus abrégea l’existence.
Maître renard suggère un semblable moyen :
En un clin-d’œil lion disparut bel et bien ;
Mais on fit son apothéose,
Afin d’éviter toute glose.
Roi qui chérit le peuple est en butte aux méchants ;
Contre ses jours même on conspire.
C’est par le fer des courtisans
Que le bon Henri-Quatre expire.
Souvent le meurtrier, par un coupable effort,
Pour mieux en imposer, habile politique,
En cachant le poignard, fait le panégyrique
Du prince vertueux dont il causa la mort.
“La Mort du Lion”