Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
La Vérité, vierge d’un certain âge,
Jadis voulant s’exposer
Aux chances du mariage,
L’Hymen fut supplié de la mettre en ménage.
Le Temps seul osa l’épouser.
Quelques mois après, la déesse,
En dépit du folâtre Amour,
Promit au vieux Saturne un gage de tendresse.
La nouvelle de sa grossesse
Porta l’alarme au céleste séjour.
L’avenir un instant occupa la Folie ;
La Gaîté soupira, Minerve eut des vapeurs.
« Qu’allons-nous devenir, dit Cythérée en pleurs ,
» Si cette race multiplie ?
» N’était-ce pas assez, pour la beauté,
» D’une seule vérité
» Qui sans cesse la décrie ?
» Ce fut bien pire encor, lorsqu’un jour brusquement,
Le Temps vînt réclamer le secours de Lucine,
Et dire à la troupe divine,
Ma femme est en travail d’enfant.
Après mainte douleur, que souffre toute mère,
Un monstre affreux par sa difformité,
Portant ailes au dos, comme le Temps son père,
Dut le jour à la Vérité.
Quel était ce monstre ? La Haine !
L’accouchée en eut tant de peine,
Qu’on vit dans son beau sein le nectar se tarir ;
Et ce fut à l’espèce humaine
Que le sort confia le soin de le nourrir.
“La naissance de la Haine”