Antoine Alfred Désiré Carteret
Un grave parapluie, un coquet parasol,
L’un vert et tout uni, l’autre rose et de moire,
Étaient dans le coin d’une armoire,
Dans leur fourreau tous deux enfoncés jusqu’au col.
Un matin, le premier qui songeait dit : « Écoute,
« Gentillet mon ami, tâche de m’expliquer
« Pourquoi, toutes les fois qu’il faut me mettre en route,
« J’ai le désagrément d’avoir à remarquer
« Un air peu gracieux chez notre demoiselle.
« Pourtant je suis rempli de dévouement pour elle.
« Bah ! c’est son rhumatisme, ai-je bien longtemps dit ;
« Mais à la fin j’ai fait la remarque certaine
« Que lorsqu’elle te prend toujours elle sourit.
« Si ton emploi te donne quelque peine,
Le mien, tu l’avoueras, est bien plus fatigant.
« On me fait la grimace, est-ce de la justice ?
« — Hé ! père Le Mouillé, » répondit le fringant,
« Pas n est besoin de beaucoup de malice
« Pour voir d’où la chose provient.
« Quand la maîtresse doit requérir ton office,
« Le ciel est sombre, elle aussi. Tout se tient.
« Mais si c’est ton confrère auquel elle s’adresse,
« L’air est tout scintillant, et le beau temps lui plaît. »
Ce mot de parasol respire la sagesse.
Oui, trop souvent l’accueil qu’à son prochain l’on fait
Se ressent, avant tout, de l’humeur dont on est.
“La Parapluie et le Parasol”