C’était le jour des Rois;
Au dîner de famille,
Albert, Paul et Marie étaient assis tous trois.
Chacun, à commencer par la petite fille,
Chacun des trois enfants formait de son côté,
Des vœux pour obtenir du sort la royauté,
Et leur commun désir, leur rêve
Était de rencontrer la fève.
Quand du dessert vint le moment,
Le père avait également
En six morceaux découpé la galette.
On était cinq à table, et sur l’assiette
Restait une sixième part.
Albert, la suivant du regard,
Disait : « Papa dans le partage
S’est trompé sans doute, ou, je gage
Que ce qui reste est pour l’aîné,
Pour le plus grand, pour moi…— Non, il n’est destiné
Pas plus à toi qu’à la sœur ou ton frère.
— Mais, dit d’un ton câlin Marie, au moins j’espère,
Quand nous aurons fini tous trois, qu’alors, maman,
Vous nous partagerez ce morceau?— Nullement;
Car c’est la part du pauvre, et l’on n’y doit, mignonne,
Jamais loucher…— Pourtant si parmi nous personne
N’a la fève, qui donc alors sera le Roi ?
— Le pauvre…
—Il pourrait l’être aussi?—Tout comme toi.
» Et la preuve en fut bientôt faite.
Chacun avait cherché la fève en sa galette
Sans la trouver, quand Paul s’écria : « La voici !
Dans la sixième part, je crois la voir ici.
Mais seulement, petite mère,
Pour la remettre au pauvre, comment faire?
— Comment? reprit le père; écoute : dans la main
Du premier malheureux que tu verras demain
Mets pour gâteau la pièce blanche
Qu’on te donne chaque dimanche. »
Il faudrait tous les jours, je crois.
Agir comme le jour des Rois.
En toute occasion, chaque fois que sur terre
Dieu nous donne un bien, pour lui plaire.
Ainsi qu’on fait en partageant
Ce gâteau, l’on devrait penser à l’indigent.
“La part du Pauvre”