L’ombre des Peupliers allait déjà croissant,
Déjà de l’humide Occident
Phébus lançait à peine une oblique lumière ;
Annette, aux bords d’une rivière,
Sur mille et un poissons qu’elle allait attraper,
Fondait déjà l’espoir d’un fort joli souper.
Soupera-t-elle, au moins ? Pour moi je le souhaite ;
Son début promettait : avec un Vermisseau
Annette doucement vous amorce un Carpeau,
L’enlève dans les airs ; le voilà sur l’herbette :
On le ramasse bien et beau :
C’est un commencement, prenons-le… Mais qu’en faire !
S’il pouvait m’amener sa mère…
Et pourquoi non, dit-elle ? et la ligne est à l’eau.
La Carpe vient, s’accroche… Oh le friand morceau !
Arrivez, vite, ma commère…
La voici donc. Nous la tenons :
Les jolis petits yeux ! les dangereux fripons !
Et quel appât pour le compère !
Un Brochet est bien dur s’il n’en est pas tenté.
Il me faut un Brochet, le sort en est jeté.
Tout réussit à la Bergère.
Voici du moins un Brocheton
Qui croit tenir la Carpe, et tient à l’hameçon.
Regagnez votre maisonnette,
Et partez, croyez-moi ; c’est le plus sage, Annette.
Un Brocheton !… Vraiment c’est à peu-près mon fait ;
Mais il est cependant de taille assez commune,
Et je comptais sur un Brochet…
Partir en ce moment, c’est manquer ma fortune…
Oh ! je veux la pousser, j’en aurai le cœur net.
Cette fois il arrive un avaleur insigne ;
Mais il ne fut pas dupe, il coupa net la ligne.
Le Brochet d’un seul coup goba le Brocheton,
Et la Carpe, et le Carpillon, et l’hameçon.
Que devient le souper d’Annette ?
Hélas ! n’en parlons plus ; on le devine bien ;
Mais sa devise est tout ou rien…
J’en suis marri pour la pauvrette.
“La Pêche par Boisard”