Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – La Pie et le Corbeau
Sur un chêne touffu, la pie et le corbeau
Avaient bâti leurs nids à différent étage,
L’une au milieu, l’autre plus haut.
Le corbeau, grave personnage,
Coi sur ses œufs ne disait jamais mot.
Mais, pour Margot, c’était bien autre chose :
Margot par excellence est la bête qui cause.
« Bon Dieu ! dit-elle, un beau matin,
Depuis longtemps je n’ai vu mon voisin.
Entre nous, il est un pauvre sire ;
Allons le voir ; jamais il ne pourrait suffire
A se garder de l’aigle ou du milan. »
Elle y vole : le cas est ma foi très-pressant ;
De tout un mortel jour elle n’a rien pu dire :
Pour une femme, un jour sans parler c’est un an.
C’est un siècle pour une pie.
Au fond, Margot avait raison ;
Tant soit peu de babil fait grand bien à la vie.
Elle arrive, et voilà des conseils à foison :
« Vite, approchez cela ; prenez-moi ce feuillage.
Écartez donc ceci ;
Mais, que ne cachez-vous ce côté davantage ;
L’aigle pourrait vous découvrir d’ici.
Bon Dieu ! que vous êtes peu sage. »
Elle continuait : on entendit des cris,
Cris d’un trop funeste présage.
« Ah ! dit la pie en pleurs, je n’ai plus de petits.
— Je vois, dit le corbeau, l’aigle qui les a pris.
Au lieu de tant songer aux nôtres,
Il eût fallu, Margot, mieux prendre garde aux vôtres.»
Que ceci soit dit en passant
A tous ceux qui vont se mêlant
Des affaires des autres
Étienne Fumars, La Pie et le Corbeau