Le fils d’un riche harpagon
Possédait gentille Pie
Qui bouleversait la maison
Par son caquet, sa volerie.
Soit instinct, soit étourderie,
On voyait l’espiègle à l’évent
S’envoler à la dérobée,
En son bec fripon emportant
Chaque jour nouvelle gerbée.
Elle escroquait joyaux, bijoux,
Or, argent et maint objet rare,
Qu’elle cachait dans quelques trous
Bien connus du fils de l’Avare.
Notre harpagon, pâle et défait.
Attribuait à sa servante
Chaque larcin, chaque méfait.
Elle pleurait… Pauvre innocente!
Quand l’Avare, un jour aux aguets.
Recomptant sur son secrétaire
Son or, son argent, ses billets,
Voit la Pie, accorte commère,
Lui ravir une pièce d’or.
« Ah ! c’est ainsi, dit l’Avare en colère.
« Que tu prodigues mon trésor!…
« Va, tu mourras dans ta volière.
« Ou rends-moi vite cet argent
« Que tu volais impunément!
« — Ah ! dit-elle, suis-je moins sage
« Que vous, mon cher maître harpagon,
« Quand je cache ce ducaton
« Dont vous ne faites point usage?…
« Ainsi que vous je n’en fais rien.
« Mais, cher monsieur, croyez-moi bien :
« Fils d’avare est toujours prodigue;
« Et, sans nul doute, en ce moment,
« Votre héritier, se gobergeant,
« De vos écus vous fait la ligue. »
“La Pie voleuse, l’Avare, et son Fils”