L’à-propos fait tout dans ce monde,
En parole ainsi qu’en effet.
Caquet bon-bec, par sa faconde,
Nous en fournit un nouveau trait.
Sa cage était près du lit d’un pauvre homme
Qui, tourmenté d’un incurable mal,
Avait perdu l’appétit et le somme,
Et toujours gémissant de son destin fatal,
Finissait sa jérémiade
Par ce triste refrain : 0 je suis si malade!
La pie aimait la liberté.
(Eh ! qui ne l’aime pas? Les dieux dans leur bonté
A tous les êtres l’ont donnée).
Aussi notre Margot vingt fois dans la journée
S’en allait voltigeant chez voisine et voisin,
Puis rôdait sur le grand chemin,
Regardant les passants en face,
Et leur parlant… comme une agace.
Dans ses courses, un beau matin,
Un rustaud l’aperçoit, et mu de convoitise,
Il fait tant et si bien qu’elle devint sa prise.
Dans son sarrau l’envelopper
Et se promettre d’en souper,
Fut l’arrêt de ce cœur de roche.
Pauvre margot, tu trembles, tu frémis.
Ce n’est pas sans sujet : l’instant fatal approche.
Le rustre impatient, avant d’être au logis,
Vous l’empoigne et la tâte, et d’un ton de reproche
Murmure contre sa maigreur,
Car il comptait en faire excellente grillade.
En ce moment, la pie entonne avec douleur
Ces mots plaintifs : 0 je suis si malade!
Notre rustre effrayé jette la bête et, fuit,
Fait des signes de croix, certain qu’elle est sorcière
Regagne à grands pas sa chaumière.
Il en trembla toute la nuit.
“La Pie”