Un traitant avoit un commis ;
Le commis un valet ; le valet une pie.
Quoique de la rapine ils fussent tous amis,
Des quatre, l’animal étoit la moins harpie.
Le financier en chef voloit le souverain ;
Le commis en second voloit l’homme d’affaire ;
Le valet grapilloit ; il eut voulu mieux faire ;
Et des gains du valet Margot faisoit sa main.
C’est ainsi que toute la vie,
N’est qu’un cercle de volerie.
Le valet donc à son petit magot
Trouvoit toûjours quelque mécompte.
Qu’est-ce dit-il. Quel est le coquin qui m’affronte ?
Dans mon taudis il n’entre que Margot.
À tout hazard il vous l’épie,
Et la prend bien-tôt sur le fait.
Il voit notre galante pie
Du coin de l’œil faisant le guet,
Prendre à son bec sa piéce de monnoye,
Et puis dans le grenier courant cacher sa proye.
C’étoit-là que Margot avoit son coffre fort ;
Amassant sans jouïr ; bien d’autres ont ce tort.
Oh, ça, dit le valet, en surprenant sa belle,
Je te tiens donc, et mon argent aussi.
Voyez la gentille femelle :
J’en suis d’avis ; on volera pour elle ;
Elle en auroit le gain ; j’en aurois le souci.
Il prononce à ces mots la sentence mortelle.
Margot à sa façon se jette à ses genoux ;
Grace, lui cria-t-elle ; un peu plus d’indulgence ;
Au fonds je n’ai rien fait que vous ne fassiez tous.
Ou par justice, ou par clémence,
Donnez-moi le pardon qu’il vous faudroit pour vous.
Ce caquet étoit raisonnable ;
Mais le valet inéxorable
Lui coupe la parole et lui tord le gosier.
Le plus foible, c’est l’ordre, est puni le premier.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, La Pie.