Un jour, à côté de son père,
Firmin, pétulant écolier,
À peine sorti de grammaire,
Écoutait dans un atelier ,
Récemment apportée, une planche se plaindre,
Sous le rabot du menuisier :
« Non, je ne puis plus me contraindre,
Tu m’écorches dans tous les sens !
Par pitié, laisse-moi, laisse-moi donc tranquille!
J’en serai plus heureuse et vivrai plus longtemps…
— Ta ne serais sans moi qu’une latte inutile ;
Rends plutôt grâce à nos travaux,
Lui répondit l’outil, qui, cheminant sans cesse,
Allant venant avec vitesse,
Faisait de toutes parts, voltiger les copeaux
Il faut souffrir avec constance
La gêne qu’on te cause, et des maux passagers;
Plus on a de courage et plus ils sont légers.
Encore un peu de patience,
Ma chère et le ciseau va bientôt t’embellir,
On va t’orner et te polir.
Dans un salon voisin, peinte avec élégance,
Tu brilleras un jour !… Sans un heureux hasard,
Sans nos soins réunis, couverte de poussière,
Tu languirais délaissée à l’écart,
Dans un grenier peut-être achevant ta carrière.
Ou pourrissant sous un hangard, »
Comme un régent, un peu bavard,
Descend à la fin de sa chaire,
Maître rabot se calme, et finit par se taire.
La planche en fit autant, et le petit garçon
Baisse les yeux, rougit, puis regarde son père…
C’était fort bien à lui, j’aime son caractère;
Il profitait de la leçon.
Explication morale :
Tous les fruits ont été amers avant d’être doux. Si vous trouvez quelquefois pénibles les devoirs qu’on vous impose pendant le petit nombre d’années que vous passez dans les écoles, songez combien l’ignorance vous paraîtra difficile à supporter quand vous serez grand ! Que de temps vous aurez à gémir, à souffrir des railleries et des mépris dans la société des gens même peu instruits ; car pour les autres, vous n’oserez les fréquenter Ecoutez donc les avis et les leçons de vos maîtres, mes chers enfants ; c’est votre bonheur seul qu’ils ont en vue en ornant votre esprit de connaissances utiles, votre cœur et votre âme des vertus et des principes religieux qui font l’homme de bien dans ce monde, et assurent sa félicité dans l’autre. (La Planche et le Rabot)
“La Planche et le Rabot”