Eugène Mazelle
Homme de lettres et fabuliste XIXº – La Pomme de discorde
Un trio de jeunes amies,
Toutes trois, perles accomplies,
Vivaient d’un doux accord, tendres intimités
Qu’on ne voit guère entre beautés ;
Si, par cas, l’une avait plus d’éclat en partage,
Sa candeur à ses yeux celait cet avantage,
Et nulle ne le jalousait ;
La grâce de chacune à chacune plaisait :
C’était une amitié pure comme l’enfance !…..
… Quelque nouveau Paris qui, dans cette occurrence,
Partageait son encens à chaque déité,
A l’une, par malheur, marqua sa préférence…..
Adieu tendre union et douce aménité,
Adieu la paix de nos trois Grâces !
A la franche amitié succèdent les grimaces;
Ce ne sont bientôt plus que sentiments jaloux,
Que sourires forcés, compliments aigres-doux:
La modeste candeur de la sœur préférée,
Pure façon de mijaurée;
Ses traits ont mainte tache, et son cœur cent défauts
Ses plus simples atours, dehors trompeurs et faux !…
— Eh quoi donc ! pour un peu de vanité froissée,
Faut-il que l’amitié de nos cœurs soit chassée?
Ainsi fut-il, hélas ! Un jour on se piqua
De quelque trait mordant : en guerre on se quitta.
Ce dénouement de point en point s’accorde
Avec ce que la Grèce a jadis raconté :
La pomme offerte à la beauté
Est souvent pomme de discorde !
Eugène Mazelle