Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Une Poule habitait les environs du Caire ;
Elle voyait ses œufs ravis à son amour,
Avec mille autres œufs, confondus dans un four
Eclore par le feu loin des yeux d’une mère ,
Et contait ses chagrins aux échos d’alentour.
Au bord du Nil grattant la terre un jour,
Cette Fouie trouva des œufs de crocodile :
« Pour cette fois, dit-elle , on sera bien habile
« Si l’on m’empêche de couver ».
La voilà donc couvant dans un secret asile :
Tout son bonheur est de rêver
Aux soins qu’exigera sa naissante famille.
Le mois d’après vit arriver
L’instant où ses petits brisèrent leur coquille.
Ah ! comme cet instant fit palpiter son cœur!
Mais le dirai-je ? ô soi fait !…..ô douleur !
A peine la gent amphibie
Commença-t-elle à jouir de la vie,
Que la tendre nourrice éprouva sa fureur.
Souffrant sans murmurer leurs morsures cruelles ,
La Poule en expirant, fidèle à son erreur,
Couvrait encor les ingrats de ses ailes.
Elever des méchans , c’est couver son malheur.
« La Poule et les Œufs de Crocodile »
Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau, 1773 – 1830