La Poule et ses petits, le Coq et l’Oiseau de proie
« Vous voyez cet oiseau qui plane et qui s’avance :
« Fuyez-le, nus enfants, redoutez sa présence;
« C’est en notre pays le seul qui nous poursuit;
« Seul on le voit toujours, nul autre ne le suit;
« Il se pose partout, épie avec finesse
« Les lieux où nous cherchons à nous nourrir sans cesse,
« Et lorsqu’il nous y voit, il fond alors sur nous,
« Et rarement on peut de lui s’éloigner tous.
« Il nous sait enlever si vite avec ses serres,
« Nous emporter soudain au loin sur d’autres terres
« Pour nous y dévorer impitoyablement,
« Malgré nos cris, nos pleurs et notre affreux tourment!
« Votre père est le seul qu’il craigne et qu’il redoute :
« Soit qu’il le voie hardi, très-courageux sans doute,
« Cet oiseau craint un peu de s’attaquer à lui.
« Cependant, connue moi, votre père le fuit;
Lui-même est le premier à me donner l’alarme
« Sitôt qu’il l’aperçoit sa fierté se désarme;
« Mais il ne fuit jamais que lorsqu’il peut me voir
« Dans un coin où l’oiseau ne peut m’apercevoir. »
Le conseil était bon, mais souvent la jeunesse
N’écoute point un ordre, et même le transgresse;
Car cet oiseau de proie ayant vu voltiger
La poule et ses petits, qui cherchaient à manger,
Disparut promptement et revint les surprendre
En fondant sur la poule, espérant de la prendre
Le coq, l’apercevant, par un cri les prévint:
Chacun fuit, en courant, l’ennemi qui revint,
Et la poule, craignant pour toute sa famille,
Voulut la rassembler dessous une charmille;
Mais cet oiseau de proie, aussi prompt que l’éclair,
La surprit en chemin et l’enlevait en l’air.
Heureusement pour elle, en ce fatal moment,
Que le coq sur l’oiseau fondit rapidement,
L’attaqua sans frayeur, et lui fit lâcher prise,
Le renversa deux fois par feinte ou par surprise :
« Ah! tu crois, lui dit-il, de me taire trembler!
« Approche donc encore, et je vais redoubler.
« Je te croyais plus gros, plus fort, plus redoutable;
« Mais je vois que tu n’es qu’un chétif effroyable;
« Que tes plumes, méchant, cachent ton corps défait,
« Et te rendent léger pour commettre un méfait.
Fendant ce temps la poule, en volant, allait joindre
Ses petits alarmés, qui n’avaient plus à craindre;
Et l’oiseau, confondu d’avoir été battu,
S’envola promptement, triste et bien abattu.
Mais le coq triomphant, content de sa victoire.
La célébra tout haut en chantant tant de gloire;
Puis rejoignit sa sœur, et lui dit fièrement :
— Ah! ma sœur, l’ai-je su battre complètement?
Je crois que de longtemps il ne prendra l’envie
De venir devant moi vous arracher la vie!
— Vous vous êtes, mon cher, battu très-vaillamment :
Vous nous avez sauvés ! Que vous êtes charmant !
— Mais que lui disiez-vous quand je vous ai vu rire?
— Je lui disais, ma sœur, que l’on ne devait pas,
Surtout lorsqu’on voulait faire un fameux repas,
Vous manger devant moi sans vous avoir fait cuire.
“La Poule et ses petits, le Coq et l’Oiseau de proie”