Jean et Robert allaient à la messe un dimanche.
Ils avaient tous les deux dix sous en pièce blanche,
Et s’en allaient tout fiers, bras dessus, bras dessous,
Causant de ce qu’on peut s’acheter pour dix sous.
Juste au seuil de l’église un pauvre les arrête :
« La charité, j’ai faim! » Jean, détournant la tête,
Lui ri pondit : « Si je n’avais
Qu’un sou je vous le donnerais.
Je n’ai pas de monnaie aujourd’hui, mon brave homme.
— Moi non plus, dit Robert, mais j’ai toute une somme.
Prenez-la, voici de l’argent. »
Et dans la main de l’indigent
Il met ses beaux dix sous, la pièce tout entière.
Il entra dans l’église se alors avec son frère,
Et tous les deux priaient très bien dans le saint lieu;
Mais la voix de Robert monta seule vers Dieu.
Car il ne suffit pas de prier dans un livre :
Il faut, pour plaire au ciel, aimer les malheureux,
Et leur donner l’argent quand on n’a pas le cuivre,
Joindre les mains, c’est bien; mais les ouvrir c’est mieux
“La Prière et l’aumône”